Sa prise de parole était attendue, de même que celle programmée un peu plus tard dans l’après-midi d’Emmanuel Macron. Ce lundi matin, Édouard Philippe s’est rendu au Sénat dans le cadre de la conférence des territoires, dans un contexte budgétaire tendu qui n’est pas pour rassurer les collectivités locales, et notamment les maires actuellement vent debout contre la suppression programmée de la taxe d’habitation. Et alors que son ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a déclaré que les collectivités locales devraient économiser 13 milliards d’euros lors du prochain quinquennat (soit 3 de plus qu’annoncé par Emmanuel Macron pendant sa campagne), le chef du gouvernement s’est montré très clair.
Philippe : "Vous connaissez parfaitement la situation des finances publiques"
"Nous devons engager une réflexion d’ensemble sur la fiscalité locale, sur la taxe d’habitation bien sûr, elle est annoncée, mais plus généralement sur l’ensemble du système de financement des collectivités territoriales. (…) Vous connaissez parfaitement la situation des finances publiques. Vous savez l’évolution des effectifs dans les trois fonctions publiques. Rien de tout cela n’est soutenable. Nous devons diminuer notre montant de dépense publique. Les collectivités territoriales doivent prendre leur part à cet effort et cet effort sera globalement important. Je n’ai aucun doute sur le fait que ce sera dur et aucun doute sur le fait que ce sera long", a-t-il prévenu.
De son côté, le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a assuré qu’il n’y aurait "pas de big bang" territorial pendant le quinquennat, mais "un contrat avec les collectivités locales". "Je connais les inquiétudes, mais la taxe d'habitation est un impôt injuste, archaïque, qui frappe sans distinction de vos revenus", a-t-il déclaré sur le plateau de franceinfo. "Mes collègues maires, je les invite à avoir confiance dans la parole d'Emmanuel Macron qui a dit que nous compenserions à l'euro près, en prenant en compte l'élargissement des bases, c'est-à-dire si la commune grandit, une petite augmentation chaque année de ces bases aussi dans la compensation", a-t-il ajouté.
"Il n'y aura pas de big bang" territorial, affirme Christophe Castaner, mais "il y a des possibilités" #8h30politique pic.twitter.com/ZsKHVfqAaV
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Larcher : "Les élus locaux ne sont pas des pions qu'on bouge au gré des humeurs"
Des précautions qui s’expliquent par un vent d’exaspération qui souffle parmi les élus locaux. En ouverture de cette conférence, le président du Sénat, Gérard Larcher, a ainsi demandé à ce que "l'État s'engage véritablement à respecter les élus, leur rôle et l'action des collectivités". "Les élus locaux ne sont pas des pions qu'on bouge au gré des humeurs du jour : ce sont les pièces maîtresses du développement territorial de notre pays et les vigies de notre République", a-t-il ajouté.
"Nous devons lutter contre l'inflation normative" @gerard_larcher #ConfTerritoires pic.twitter.com/1yVdeuYW53
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Président de l’Association des maires de France, François Baroin a, lui, fustigé dans les colonnes du Parisien les nouveaux efforts financiers demandés aux collectivités. "Sur les trois dernières années, les collectivités locales ont réalisé 34% d’économie à l’échelle de toutes les dépenses nationales, alors que 80% de la dette est de la responsabilité de l’État. Là, je dis que trop, c’est trop !", déclare-t-il.
"Pas des moutons qui attendent sagement de passer à l’abattoir"
Un ras-le-bol qui fait écho à celui de Michel Fournier, vice-président de l’Association des maires ruraux de France, invité ce matin du Grand Matin Été de Sud Radio. "Les communes rurales ne sont pas des moutons à attendre sagement de passer à l’abattoir. On a des propositions à faire, le pacte de ruralité qui est pressenti doit être une négociation. Il y a deux élus en France qui sont importants aujourd’hui et que les Français respectent : le Président et le maire. Il faut donc travailler à part égale", a-t-il prévenu.
Lui aussi invité de Sud Radio, le sénateur (LR) de la Manche Philippe Bas a également mis en garde le gouvernement sur sa méthode de travail. "Ces dernières années, les collectivités locales ont servi de variables d’ajustement au budget de l’État. J’espère qu’on va passer de Jupiter à la démocratie. La démocratie, c’est faire en sorte que l’État ne fasse pas ses fins de mois au détriment des collectivités", a-t-il asséné.