Les règles sanitaires dans les entreprises ont été assouplies : désormais il n’est plus nécessaire d’avoir un salarié pour 4 mètres carrés, mais une simple distance de sécurité d’un mètre entre les personnes suffit. "J’ai toujours expliqué que je ne suis pas médecin", souligne le secrétaire général du syndicat Force Ouvrière (FO) : "je veux croire que ces dispositions s’appuient sur les préconisations des scientifiques".
Il espère également que "ça n’est pas la pression économique qui l’emporte". Si reprendre l’activité est nécessaire, "on est inquiets de la situation économique" précise Yves Veyrier, notamment pour préserver l’emploi et le "salaire des salariés", cela doit se faire "sous condition qu’on préserve la santé des salariés".
"On aurait sans doute dû ralentir de toute façon de manière assez significative l’économie"
Le confinement généralisé est parfois critiqué comme n’ayant pas été une bonne idée. "On refait facilement l’histoire après-coup", ironise le syndicaliste qui précise qu’une autre solution aurait peut-être pu être envisagée "si on avait eu les moyens de se protéger de manière efficace dès le départ".
Mais il rappelle qu’au départ, la France "manquait de gel y compris pour les soignants dans les secteurs de la santé qui avaient du mal à exercer leur mission essentielle avec les moyens de se protéger eux-mêmes". "Si on avait eu tous ces moyens-là, je pense qu’on aurait peut-être pu éviter un confinement aussi strict" et opter pour un confinement ciblé, y compris au sein des entreprises avec une adaptation de l’organisation "sur les chaînes de production" ou encore les "horaires d’ouverture" et "la circulation des salariés et des clients".
Néanmoins, ce n’aurait pas été la panacée de tous les maux : "on aurait sans doute dû ralentir de toute façon de manière assez significative l’économie, mais peut-être pas au même point".
"Le CHSCT, rétablissons-le !"
Le gouvernement a mis en place une obligation dans les entreprises de plus de 10 salariés : un référent Covid. Une idée qui n’est pas critiquée en soi par Yves Veyrier. Toutefois, il rappelle que "nous avons une revendication qui est simple : il y avait, jusqu’aux Ordonnances Travail, le CHSCT, le Comité hygiène santé conditions de travail". Celui-ci avait "pour mission à travers les représentants du personnel, de s’assurer des dispositions qui protègent la santé des salariés".
Le CHSCT a été supprimé "dans les entreprises de 50 à 300 salariés", ses missions ayant été reprises par le Comité social et économique (CSE), évolution du Comité d’entreprise (CE). "Ça fait beaucoup de missions pour les seuls élus du CSE", estime le secrétaire général de FO. "Je pense qu’on est beaucoup moins efficaces aujourd’hui", précise le secrétaire général de Force Ouvrière qui demande : "le CHSCT, rétablissons-le !"
Les salariés au chômage partiel "ont perdu en moyenne de 300 à 400 euros de salaire"
Le syndicaliste a rendez-vous le 24 juin 2020 avec Emmanuel Macron pour discuter de l’avenir du système de chômage partiel. En juin 2020, déjà, le taux d’indemnisation des entreprises a diminué, passant de 100% des salaires à 85% des salaires pour les salariés placés en chômage partiel. Yves Veyrnier a rappelé que son syndicat s’inquiétait de la révision du "dispositif courant", celui en cours, au niveau des salaires eux-mêmes : "nous avons craint, à un moment donné, parce que c’était dans les tuyaux, que le gouvernement ne réduise aussi le taux d’indemnisation des salariés".
Cette indemnisation est déjà inférieure au salaire, sauf pour les salariés au SMIC. "C’est ce dont ont souffert, sur leur feuille de paye, tous les salariés qui ont été au chômage partiel pendant toute la période de confinement." En effet, selon les estimations, "ils ont perdu en moyenne de 300 à 400 euros de salaire". Après la "mise en garde" des syndicats, dont FO, le gouvernement a fait "marche arrière" concernant ce projet de baisse d’indemnisation.
Il faut éviter "de basculer les salariés dans le chômage tout court"
Le rendez-vous du 24 juin 2020 va porter plutôt sur "la nécessité d’un dispositif qui accompagne les secteurs où la reprise va être plus lente, plus progressive", explique Yves Veyrnier qui donne quelques exemples : le secteur aéronautique, celui de l’automobile, celui de la restauration ou encore celui du tourisme.
"Nous avons besoin d’un accompagnement pour qu’on évite effectivement de basculer les salariés dans le chômage tout court". Cet accompagnement doit prendre la forme d’un "dispositif d’activité partielle plus long qui préserve à la fois l’emploi et qui permette de préserver le salaire".
Pour le secrétaire général de Force Ouvrière, "c’est très important parce que ça va avec la question de la reprise de l’activité". "Il ne faut pas orchestrer la musique de la modération des salaires."
Les accords de performance collective "mettent les salariés dos au mur avec un chantage à l’emploi"
Dans certaines entreprises, des accords de performance collective sont conclus : ils permettent à l’employeur de changer certaines règles, comme la rémunération ou le temps de travail, en échange de garanties sur l’emploi, par exemple. "On n’aime pas du tout ces accords dits de performance collective parce qu’ils mettent les salariés dos au mur avec un chantage à l’emploi", explique Yves Veyrnier.
"Dans les entreprises, que ce soit face à un plan de sauvegarde de l’emploi, qui est en fait un plan de licenciements, ou à une situation où on met en péril ou en balance l’emploi avec quelques révisions sur l’organisation du travail, le temps de travail, les salaires, les congés, etc. les salariés sont dans une situation dos au mur, on leur demande de choisir entre la peste et le choléra."
"Je suis contre cette mécanique, en principe de manière généralisée." Le syndicaliste explique qu’elle "induirait un effet récessif", mais également que "c’est injuste pour les salariés qui le subissent" et "contre-productif pour la reprise de l’activité". Il juge qu’inquiéter les salariés "pour les semaines et les mois qui viennent non seulement sur l’emploi, mais sur leur salaire" va entraîner une baisse de la consommation, alors qu’il s’agit d’un des moteurs de l’économie française. Il rappelle que le salaire médian en France est de 1.800 euros nets par mois et estime que "si vous enlevez 10, 20, 100 euros par mois", alors le salarié qui n’allait "déjà pas beaucoup au restaurant" y ira "encore moins" ; et peut-être même qu’il ne partira pas en vacances. Au final, consommera moins. De fait, "vous créerez un effet qui ira contre la reprise de l’activité, donc contre l’emploi".
"Nous avions appelé à un contrôle strict des aides publiques"
De plus en plus de plans sociaux sont annoncés par des entreprises en France à la suite de la pandémie et de la crise économique. Pour Yves Veyrnier, ils ne sont pas tous justifiés, loin de là : "tous ceux que l’on entend aujourd’hui, à l’évidence, il y a un effet accélérateur sinon un effet d’aubaine" de la crise économique liée au Covid-19. "Je suis très en colère", confie le syndicaliste qui rappelle : "nous avions appelé à un contrôle strict des aides publiques : que les aides publiques soient soumises à conditions". Ces entreprises ont en effet, pour la plupart, bénéficié du CICE ou encore des exonérations de cotisations.
Le secrétaire général de Force ouvrière appelle donc à nouveau à un contrôle strict, mais surtout "qu’on sanctionne lorsque les conditions qui devraient être associées à ces aides publiques, et qui malheureusement ne le sont pas, ne sont pas respectées".
Quand l’employeur commet une faute c’est le salarié qui paye
Il prend en exemple le groupe Vivarte qui a été placé en redressement judiciaire à cause de "turpitudes d’un actionnaire, il y a plusieurs années". Plusieurs offres de reprise partielle ont été évoquées, permettant de sauver la grande majorité des emplois. Pour Yves Veyrnier, c’est simple : "s’il y a un repreneur qui est en capacité de sauver les emplois, l’employeur actuel, l’actionnaire actuel doit en être capable".
"Quand un salarié fait une faute professionnelle, c’est lui qui en paye les frais ; quand l’employeur, ou l’actionnaire, commet une faute, malheureusement c’est aussi le salarié qui paye les frais." "Il faut arrêter avec ça", demande le syndicaliste : "il faut que l’État agisse, intervienne, interdise ce type de comportements".
"Je trouve que beaucoup passe par le président de la République"
Yves Veyrnier, comme l’ensemble des partenaires sociaux, est donc reçu par Emmanuel Macron mercredi 24 juin 2020. Il regrette "une façon de faire un peu curieuse" au niveau des négociations sociales. "Je l’avais déjà dit."
"Le président de la République nous a reçus il y a trois semaines, on a mis sur la table à ce moment-là plusieurs chantiers, l’activité partielle, le chômage partiel de longue durée… nous avons rencontré ensuite la ministre, nous lui avons fait connaître quelles étaient nos positions nos revendications, nos lignes rouges… mais nous n’avons pas eu de réponse", raconte le secrétaire général de FO.
Le 24 juin 2020, le président de la République donnera, peut-être, ses réponses. "C’est quand même un peu curieux", estime Yves Veyrnier. "Je trouve que beaucoup passe par le président de la République, on aurait pu régler un certain nombre de sujets avant", comme la question de l’Assurance-chômage : "j’attends, moi !"
"Les policiers sont des républicains"
Les forces de l’ordre font l’objet, en ce moment, d’attaques sur fond de violences policières et du mouvement #BlackLivesMatter lancé aux États-Unis. Sur ce sujet, Yves Veyrnier rappelle que "nous avons syndicat UnitéSGP Police FO qui est le syndicat majoritaire de la police". Le syndicat, ses membres et ses adhérents sont "attachés à la République, au rôle républicain de la police." "Eh bien oui, je les soutiens", mais cela ne signifie pas "que nous cautionnions quelques erreurs, ici ou là, qui se produisent". Il rappelle toutefois que "ça arrive dans la police comme ça peut arriver n’importe où dans la société." "Quand c’est condamnable, ça doit être condamné par la voie de la justice", souligne-t-il. "Mais je le dis encore une fois : les policiers sont des républicains."
"J’espère quand même que le président de la République ne va pas remettre du sel sur les plaies"
Emmanuel Macron a laissé entendre que la réforme des retraites serait menée à terme avant la fin de son quinquennat. "J’espère quand même que le président de la République ne va pas remettre du sel sur les plaies auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. J’espère qu’il ne va pas faire cette erreur, je l’ai mis en garde."
Lors d’une précédente rencontre, "il n’en a pas parlé" alors que c’était prévu. Yves Veyrnier avait interprété cela comme un bon signe : "je me suis dit : peut-être qu’il a entendu que la raison devait l’emporter, que l’apaisement devait l’emporter dans ces circonstances".
"Si c’est pour nous dire demain qu’on va revaloriser le minimum de pension, il n’y a pas besoin de passer par un système universel de retraites, mais si c’est pour nous faire avaler, derrière, la perspective d’un système universel de retraite par points, nous avons suffisamment expliqué pourquoi c’était une erreur, pourquoi il fallait abandonner cette idée, nous n’avons pas varié."
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