C'est dans des souffleries datant de près d'un siècle à Lille que la maquette de Superman, avion de combat de demain, oscille ou entre en vrille: malgré les avancées informatiques, les modèles novateurs sont toujours testés à l'ancienne.
Ce prototype bardé de plusieurs centaines de capteurs est l'un des joyaux de l'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales) qui a agrandi la semaine dernière son centre à Lille, dans le nord de la France, en y déménageant un atelier spécialisé dans une pièce ultrasophistiquée qui mesure les efforts subis par l'avion: la balance.
Superman, censé définir à quoi ressemblera un avion de chasse qui sera mis en service dans quelques décennies, est testé dans des souffleries horizontale et verticale dont certaines datent des années 1930. Comme par le passé l'ont été les chasseurs du groupe Dassault actuellement en service.
Avoir ces deux types de souffleries sur un même site est rare: cela permet de créer des phénomènes d'instabilité dynamique comme l'oscillation ou la vrille et d'identifier le comportement des aéronefs qui vont voler à des vitesses extrêmes.
Certaines souffleries servent à tester les effets du vent sur la surface des porte-avions.
- "Difficile à simuler" -
L'innovation passe par ce type de maquettes uniques, dont une dizaine sont fabriquées chaque année et qui coûtent plusieurs centaines de milliers d'euros chacune. Dans Superman, les mini-moteurs sont intégrés dans des volumes de moins d'un centimètre.
Des calculs précèdent les essais en soufflerie, mais "il y a des phases de vol qui sont très difficiles à simuler" sur ordinateur, explique à l'AFP Marie-José Martinez, directrice des souffleries de l'Onera.
Sur les appareils de défense par exemple, c'est le cas de la séparation des armements. "Si l'aérodynamique n'est pas bonne, l'armement qui se sépare de l'avion peut taper dans l'avion, cela peut créer des accidents", ajoute-t-elle.
Les essais physiques sont également cruciaux pour analyser les enjeux de sécurité des appareils civils en simulant par exemple l'effet de givrage pendant les phases de décollage et d'atterrissage ou pour avancer dans la décarbonation en testant les performances de nouveaux moteurs.
"On a longtemps cru qu'on pourrait à terme se passer de souffleries et faire tout par le calcul. A la fin des années 1990, les Américains se sont lancés dans un grand programme de numérisation où il y avait aussi ce qu'ils appelaient les souffleries volantes. Ils faisaient des essais avec des avions qui étaient équipés de moyens de mesure pour faire l'équivalent de ce que pourrait faire une soufflerie, mais en vol", raconte à l'AFP le PDG de l'Onera Bruno Sainjon.
"Ils ont eu des pilotes qui sont morts. Ils sont revenus en arrière et ont très massivement investi dans les souffleries", ajoute-t-il.
Les essais en souffleries vont être nécessaires "en tout cas pour encore plusieurs décennies", assure Frédérique Ternoy, directeur du centre Onera de Lille.
- Tour de crash -
Autre installation exceptionnelle en Europe abritée dans le centre d'Onera à Lille: la tour de crash, qui fait 15 mètres de haut et permet de lâcher jusqu'à une tonne.
Ici sont traités des phénomènes accidentels comme l'impact ou le crash "qui vont durer sur des temps inférieurs à la seconde", explique Julien Berthe, chef de l'unité de résistance dynamique.
"On va s'intéresser à des problématiques qui sont liées à la certification des avions, pour démontrer que votre avion va pouvoir subir un impact d'oiseau ou de grêlon", ajoute-t-il.
La durée d'un essai qu'on prépare pendant un mois est d'"une milliseconde globalement, il faut des caméras qui vont jusqu'à 200.000 images par seconde pour pouvoir capturer l'ensemble des phénomènes", selon Julien Berthe.
Les trois canons à côté permettent de lancer des objets de différentes tailles, allant des petites pièces métalliques à des substituts d'oiseaux en gélatine pour tester leur impact sur les matériaux et les structures.
Par Olga NEDBAEVA / Lille (AFP) / © 2024 AFP