La salle des "grands procès" du Palais de Justice de Paris, qui a accueilli notamment les procès des attentats du 13-Novembre, celui de l'attentat du 14-Juillet à Nice ou plus récemment l'assassinat de Samuel Paty, ne sera bientôt plus qu'un souvenir.
Une quinzaine d'ouvriers spécialisés s'affairent ce mardi, comme tous les jours depuis le 3 mars, à démonter la gigantesque boîte de bois posée dans la salle des pas perdus de l'historique Palais de Justice, juste au-dessus de la Conciergerie.
"Il s'agit d'un tour de force technique et architectural", explique Marion Daubersies, directrice de programme de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij), maître d'oeuvre du vaste chantier.

Des policiers montent la garde près de la salle d'audience provisoire utilisée dans le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg en 2018, au palais de justice de Paris, à Paris, le 29 février 2024
Ian LANGSDON - AFP/Archives
Il avait fallu un an pour construire cette salle d'audience exceptionnelle mise en service en septembre 2021. La première phase des travaux de démontage doit s'achever en septembre prochain, avant un plus long travail de réhabilitation (au moins jusqu'en 2030) de ce secteur qui correspond à la partie médiévale du Palais de Justice.
Le coût de construction de la salle s'est élevé à 10 millions d'euros, rappelle Philippe Monnot, responsable de la politique et de la fonction immobilière au ministère de la Justice. Le coût de son démontage est estimé à "environ un million d'euros".
Dès le départ, il était convenu que la salle des "grands procès", un quadrilatère de 750 m2 capable d'accueillir 550 personnes ainsi qu'une régie pour enregistrer les débats, était "une construction provisoire", souligne M. Monnot.
Les 12 écrans fixés en hauteur et qui permettaient au public placés au fond de la salle de suivre les audiences, ont déjà disparu.

Le symbole de la Justice au-dessus des sièges des juges dans la salle d'audience temporaire installée au Palais de Justice de Paris avant le procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015, le 2 septembre 2021
Thomas COEX - AFP/Archives
Les bancs de bois blond ont commencé à être démontés. Tout sera recyclé. Bientôt les tribunaux de Toulouse, Beauvais et Amiens bénéficieront d'une partie du mobilier de la salle "grands procès".
Il ne reste déjà rien du matériel audiovisuel (caméras, micros, écrans) et des éléments électroniques de sûreté (caméras et écrans).
Démontés en premier, ils doivent être réutilisés sur place par la cour d'appel de Paris.
Certaines pièces comme la balance de la justice, placée au-dessus de la table de justice de la cour, "un ou deux" bancs, la barre où ont déposé des centaines de témoins, d'experts et d'endeuillés, l'enseigne lumineuse de la salle, devraient trouver leur place dans le futur musée-mémorial du terrorisme dont la construction est prévue sur la pente du Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine).
- Mouchoirs en papier -
Les plafonds, murs, luminaires, câbles de cuivre, plaques de verre et la structure en acier, plus complexes à réutiliser, seront revendus.
Le box ultra-sécurisé où ont comparu notamment Salah Abdeslam ou le braqueur multirécidiviste Rédoine Faïd est toujours intact et s'en approcher procure des frissons. Les vitres blindées n'ont pas encore trouvées preneur.

La salle d'audience temporaire installée au Palais de Justice de Paris avant le procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015, le 2 septembre 2021
Thomas COEX - AFP/Archives
On découvre, dissimulées derrière les cloisons, le "tunnel-miroir" sécurisé qu'empruntaient chaque matin et chaque soir les accusés détenus pour accéder et sortir de leur box. L'électricité a été coupée. Le couloir est plongé dans le noir et renforce le sentiment oppressant ressenti si souvent au cours des longs procès qui se sont déroulés ici. Ce couloir aussi est appelé à être démonté.
Au total, cette salle aura accueilli 13 procès hors-normes. Le dernier a eu lieu du 27 janvier au 14 février 2025, dans un dossier lié à la criminalité organisée.
Les grands procès à venir se dérouleront dans les salles d'audience existantes du Palais de Justice. A l'issue des travaux de réhabilitation, on devrait passer "de 43 à 46 salles opérationnelles", précise M. Monnot.
En déambulant sur le chantier on ne peut s'empêcher de songer à la somme des douleurs vécues ici. Avant que tout disparaisse et que la salle des pas perdus retrouve son éclat d'origine, on remarque un objet oublié près de la barre des témoins... Une boîte de mouchoirs en papier, dérisoire rempart pour éponger son chagrin.
Par Alain JEAN-ROBERT / Paris (AFP) / © 2025 AFP