A Redon, où la Vilaine pourrait frôler ses niveaux de crue historiques, les évacuations s'accéléraient mercredi et, si les habitants sont habitués aux caprices des eaux dans ce secteur d'Ille-et-Vilaine, l'inquiétude "commence à monter" chez certains.
La ville de 9.400 habitants, coincée entre le canal de Nantes à Brest, le fleuve Vilaine et la rivière Oust et construite dans une terre de marais, voit l'eau monter inexorablement.
"Ce n'est pas la panique", dit d'un ton calme Wilfried Lucas, venu voir l'inondation de la Vilaine au niveau du pont qui relie la ville à Saint-Nicolas-de-Redon, aussi fortement impactée.
Pour autant, ses proches "commencent à s'inquiéter parce qu'on ne sait pas quand ça va s'arrêter de monter", avoue cet habitant de Redon.
Dans les quartiers bas de la ville, où passent le canal et la Vilaine et donc sujets aux inondations, des sacs de sable ou des batardeaux sont disposés devant des portes d'immeubles et de commerces. Des tuyaux crachent l'eau de la cave inondée d'un magasin.
Un ballet de véhicules de la police municipale, de la gendarmerie, de CRS, de pompiers ou encore de la sécurité civile s'active sous une pluie qui s'est interrompue à la mi-journée.
La crue s'annonce comme exceptionnelle. "On est vraiment dans le niveau des crues historiques, à quelques centimètres" près, avertit le maire de Redon Pascal Duchêne.
"Le leitmotiv de la journée, (...) c'est l'accélération de l'évacuation de la population des quartiers inondés", et "le maximum" avant la nuit, annonce-t-il.
- Poursuite des évacuations -
Le nombre d'habitants "potentiellement à accueillir dépassera peut-être le millier (...), étant entendu que beaucoup de nos concitoyens ont déjà trouvé par eux-mêmes des moyens d'hébergement", a ajouté l'élu.
"On va passer de convaincre à obliger", insiste-t-il.
Roxane Bourcier, 24 ans, infirmière qui habite au 2e étage d'un immeuble sur le quai Jean Bart, a été incitée à quitter son logement dès mardi, par du porte-à-porte effectué par les secours.
"Je me suis dit que je pourrais partir ce matin vu qu'ils avaient installé le barrage mais en fait, c'était déjà trop tard", dit-elle à côté du quai inondé. Evacuée par les secours, elle trouvera refuge chez sa tante, avant de revenir chez elle "peut-être la semaine prochaine".
Le pic de crue est prévu "soit en fin de journée soit d'ici demain en fonction des précipitations", souligne le chef du groupement des pompiers sud-ouest d'Ille-et-Vilaine, le lieutenant-colonel Frédéric Katuszinski.
Car, après les fortes précipitations d'Herminia, qui ont fait déborder les cours d'eau plus au nord, vers Rennes, l'onde de crue descend sur Redon, aggravée mercredi par les pluies importantes de la dépression Ivo.
Des boudins gonflés d'eau ont été installés sur deux quais mais les hauteurs d'eau annoncées sont telles que ces moyens s'avèrent inefficaces.
Maud Violette, 52 ans, qui vit sur un bateau, a elle passé la nuit de mardi à mercredi dans un gymnase, transformé en centre d'accueil. "Tout le monde a dû quitter le port", dit-elle. "Il n'y a pas d'inondation dans le bateau mais pour rejoindre le quai on est obligé de mettre les pieds dans l'eau jusqu'aux genoux".
Une vingtaine de personnes ont été hébergées dans la nuit de mardi à mercredi dans ce gymnase. Un deuxième centre d'hébergement, portant la capacité totale d'accueil à 200 personnes, a également été annoncé par le maire.
Dans la rue piétonne de Redon, qui débouche sur le port, le gérant du bar le Triskal prend les choses avec philosophie, comme les habitués présents.
Ce n'est pas la première crue pour Richard Tual. "En 1995 je me souviens, j'étais lycéen, les camions militaires faisaient traverser les travailleurs", se souvient-il.
"Il y a une bonne compréhension de la situation, il n'y a pas de panique non plus", constate le maire de Redon, même si pour les personnes obligées d'évacuer, "il peut y avoir de l'angoisse, c'est tout à fait normal".
"Ne vous inquiétez pas, on est waterproof ici !", lâche un restaurateur en raccompagnant un client à la porte.
Par Laure FILLON / Redon (France) (AFP) / © 2025 AFP