Un reportage de Lionel Maillet pour Sud Radio
Au bloc opératoire où elle travaillait, une infirmière anesthésiste - qui souhaite garder l'anonymat - n’était pas souvent confrontée à la mort, c’est désormais devenu son quotidien dans le service de réanimation où elle a été affectée.
"Là, ce sont des patients dont on voit la santé s'améliorer, se dégrader par la suite dont on ne sait pas s'ils vont vivre ou mourir. Je pense que le plus difficile dans cette situation, c'est que les patients sont isolés de leur famille et décèdent souvent seuls. C'est vrai qu'on n'est pas forcément armés pour ça".
Certains ne sont pas loin de totalement craquer comme Fanny qui, avec la réorganisation des services, se retrouve en soins de nuit.
La voix embuée de larmes, Fanny évacue tout le stress acumulé. "De but en blanc, de vingt ans de bloc, je me suis retrouvée ainsi dans ce service (de réanimation, ndlr), c'est déroutant, c'est stressant. On parle de burn-out mais je pense que je n'en suis pas loin. C'est dur parce qu'on ne se sent pas en sécurité, ni pour le patient ni pour nous-même".
La mise en place d'une cellule psychologique inédite pour les soignants, d'ordinaire taiseux quant à leurs émotions
Pour aider les soignants à surmonter cette crise, la cellule d’urgence médico-psychologique, composée d’une trentaine de spécialistes et dirigée par le Dr Marion Dubois, sillonne les hôpitaux marseillais.
Le Dr Dubois justifie cette cellule par un contexte absolument inédit pour le personnel. En effet, "les soignants sont soignants, mais ils peuvent aussi devenir patients à un moment. Une infirmière qui travaille en réanimation a désormais la crainte d'être elle-même la semaine prochaine, la patiente Covid. Dans la culture "soignantes", on n'a pas l'habitude de s'épancher. Donc c'est pour cela que nous prenons les devants pour aller les rencontrer dans les couloirs, dans les salles de pause, dans les réanimations, dans les services Covid. C'est là que lorsqu'ils craquent, nous pouvons les prendre à part, discuter avec eux, essayer de les détendre et de les apaiser" .
Par ailleurs, cette équipe composée d’une trentaine de psychologues et de psychiatres vient aussi en aide aux familles des victimes du coronavirus.