Deux ans de prison ferme, contre un an en première instance: le parquet a requis jeudi une peine alourdie contre la conductrice du car scolaire heurté par un train à Millas (Pyrénées-Orientales) en 2017, dénonçant son "indiscipline" ayant conduit à la mort de six collégiens.
L'avocat général Franck Lagier a aussi demandé à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence d'assortir la condamnation de Nadine Oliveira à 5 ans de prison, dont deux ans ferme, d'une annulation de tous ses permis de conduire et d'une interdiction de les repasser pendant cinq ans, ainsi que d'une interdiction d'exercer toute activité dans le secteur des transports.
La Cour a mis sa décision en délibéré au 7 février 2025.
Nadine Oliveira "a imposé un procès d'appel aux parties civiles qu'elle ne s'est elle-même pas imposé", a dénoncé l'avocat général, reprenant les mots d'un avocat des parties civiles. Victime d'un malaise à l'audience au troisième jour du procès en appel, Nadine Oliveira, qui a toujours maintenu, contre témoignages et expertises que les barrières du passage à niveau où s'est produit l'accident étaient levées, n'a en effet plus été en mesure de comparaître depuis le 10 octobre.
Après avoir décortiqué le parcours professionnel de la conductrice, mais aussi la journée du 14 décembre 2017 avant l'accident, qui a fait six morts et 17 blessés, dont plusieurs avec de très lourdes séquelles, Franck Lagier a conclu: "J'ai la conviction que madame Oliveira, une conductrice indisciplinée et inexpérimentée, a franchi ce passage à niveau sans aucune attention à ces barrières".
Il a mis en avant l'inexpérience de celle qui avait "fini par obtenir son permis après trois tentatives" et avec la "note minimale".
Il a aussi fustigé son "indiscipline": Nadine Oliveira, déjà verbalisée pour avoir conduit avec une oreillette téléphonique, a ce jour-là franchi un stop sans marquer l'arrêt en quittant le collège de Millas avec 23 enfants à bord, puis adopté "une conduite rapide" sur un chemin étroit, "la poussant à franchir à plusieurs reprises la ligne blanche".
- "Seule contre tous" -
Pour le magistrat, Mme Oliveira, au casier judiciaire vierge, "s'est murée dans une dissociation post-traumatique dont elle n'a jamais voulu ressortir", ce qui l'empêche selon les psychiatres intervenus à la barre "de ressentir aucun sentiment de culpabilité, se focalisant sur ses angoisses".
"On ne peut retirer à Nadine Oliveira cette part d'humanité, qui la détruit, qui l'effiloche, qui la décompose jour après jour", a plaidé un de ses avocats, Me Jean Codognès. Il a décrit une "femme seule, seule contre tous".
Mais l'attitude de la conductrice, qui a refusé d'émettre le moindre doute sur sa version des faits et n'a jamais prononcé d'excuses pour l'accident qu'elle est accusée d'avoir provoqué, a causé au début du procès l'énervement des proches des victimes.
Sa version avait un temps été corroborée par les témoignages de certains enfants, et même si beaucoup sont ensuite revenus sur leurs premières déclarations, Me Codognès les a longuement énumérés à la barre jeudi après-midi, se demandant pourquoi "privilégier des témoignages plutôt que d'autres?".
Il s'est aussi attaché à instiller le doute sur "la collectivité et la SNCF", qui savaient selon lui "ce passage à niveau dangereux". "La défense n'est pas complotiste, elle est réaliste", a-t-il lancé, plaidant la relaxe.
L'autre conseil de Mme Oliveira, Me Louis Fagniez, a lui aussi mis en cause "la thèse étatique, la thèse selon laquelle les barrières étaient fermées". Quelques minutes après l'accident, juge-t-il, "le ton est donné: le Premier ministre flanqué du président de la SNCF déclare devant les caméras nationales que l'autocar a franchi le passage à niveau barrières fermées".
Des automobilistes présents de l'autre côté de la voie ferrée ont assuré avoir vu "le bus pousser tranquillement la barrière" et s'engager sur le passage au niveau où il sera, quelques secondes plus tard, violemment percuté par un TER.
Les expertises suivant le drame n'ont montré aucun dysfonctionnement des barrières du passage à niveau.
Par Julie PACOREL / Aix-en-Provence (AFP) / © 2024 AFP