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Affaire Karachi: Balladur jugé pour le financement de sa campagne de 1995

Par La rédaction (avec AFP)

Plus de vingt-cinq ans après, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur est jugé à partir de mardi devant la Cour de justice de la République pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995, l'un des volets de la tentaculaire affaire Karachi. L'avocat des familles de l'attentat de Karachi en 2002 réclame des sanctions exemplaires.

Edouard Balladur et François Léotard en 1994. (Patrick KOVARIK / AFP)

Plus de vingt-cinq ans après, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur est jugé à partir de ce mardi devant la Cour de justice de la République pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995, l'un des volets de la tentaculaire affaire Karachi. Edouard Balladur, 91 ans, comparaît au côté de son ex-ministre de la Défense, François Léotard, 78 ans, pour "complicité d'abus de biens sociaux", l'ancien Premier ministre étant aussi jugé "recel" de ce délit. En 1995, les comptes de campagne d'Edouard Balladur avaient été validés in extremis par le Conseil constitutionnel, avant qu'il ne soit rattrapé quinze ans plus tard par des investigations lancées suite à une plainte des familles des victimes de l’attentat de Karachi en 2002. L'attentat au Pakistan avait coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant à la construction de sous-marins pour la DCNI dans le port pakistanais... L'attaque a depuis été analysée comme perpétrée en représailles: la France aurait versé des commissions au Pakistan pour obtenir des marchés d'armement au moment du gouvernement Balladur (95-93), commissions en échange desquelles la campagne présidentielle Balladur de 1995 aurait bénéficié de "rétro-commissions" pour se financer. C'est la fin des versements de ces commissions, après l'élection Jacques Chirac, qui aurait entraîné cet attentat meurtrier de Karachi en 2002. Un scénario que contestent les principaux prévenus.

Mais Olivier Morice, l'avocat de ces familles de victimes, espère que la justice ne sera pas "à deux vitesses":

"Ce que nous voulons, c'est une justice qui soit sereine et qui se rende compte en même temps de la gravité des faits reprochés, notamment à l'ancien Premier ministre. D'autant plus qu'à l'époque, Monsieur Edouard Balladur se présentait comme le chantre de la moralisation de la vie politique française. Donc il y a manifestement le discours qui était tenu à l'époque, et ce qui était la réalité des faits. Les familles veulent que des sanctions soient prononcées à l'encontre de ces hommes politiques influents." - Olivier Morice, avocat des familles des victimes, joint par Mathilde Choin

 

Suspension d'audience?

L'ancien locataire de Matignon, désireux de "faire face à ses juges et répondre à leurs questions", sera présent à l'ouverture de son procès, a affirmé à l'AFP l'un de ses avocats, Félix de Belloy.

Le procès pourrait cependant être suspendu dès son ouverture, M. Léotard ayant fait savoir qu'il était malade et ne pourrait être présent, selon une source judiciaire. "Il tient à se défendre lui-même, le procès risque donc d'être retardé", a précisé cette source.

Les deux anciens commis de l'Etat doivent être jugés sept mois après la condamnation à des peines de deux à cinq ans de prison de six autres protagonistes, dont l'intermédiaire Ziad Takieddine, dans le volet non-ministériel de ce dossier aux multiples ramifications.

Le cas de MM. Balladur et Léotard avait été disjoint en 2014 et confié à la CJR, seule instance habilitée à juger les agissements des ministres.

La campagne présidentielle de 1995, aujourd'hui dans le viseur de la justice. (JOEL ROBINE / AFP)

Rétrocommissions illégales

Composée de trois magistrats et douze parlementaires, la Cour va plonger, à raison de trois après-midi par semaine, dans la campagne présidentielle de 1995, marquée par la guerre fratricide à droite entre Jacques Chirac et celui qui décidera finalement de se présenter contre lui, Edouard Balladur.

Ce dernier est accusé d'être derrière un système de rétrocommissions illégales sur d'importants contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan, destinées à renflouer ses comptes de campagne. L'enquête s'est particulièrement intéressée au versement de 10,2 millions de francs (environ 1,5 million d'euros) en une seule fois et en liquide, juste après sa défaite au premier tour.

La défense de l'ancien Premier ministre, qui va plaider la relaxe et estime par ailleurs que les faits sont prescrits, a toujours balayé la "thèse" d'un financement occulte, soutenant que cette somme provenait de la collecte de dons et de ventes de gadgets ou tee-shirts lors de meetings.

L'enquête a souligné la concomitance entre le dépôt des espèces et les voyages de M. Takieddine à Genève. Il avait affirmé, avant de se rétracter, avoir remis des espèces à Thierry Gaubert (alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy), sur demande de Nicolas Bazire, directeur de la campagne Balladur.

Tous trois ont été lourdement condamnés en juin par le tribunal correctionnel de Paris et ont fait appel, comme leurs trois co-prévenus, dont Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur de François Léotard.

 

"Réseau K"

Selon l'accusation, le pouvoir politique a imposé à la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI) et à la Sofresa, deux entités détenues par l'Etat qui vendaient sous-marins et frégates, des intermédiaires "inutiles" dans ces contrats, quasiment finalisés, le "réseau K" (pour King en référence au roi d'Arabie Saoudite). Et ce afin qu'ils reversent ensuite illégalement à la campagne une partie de l'argent perçu, en plus d'un enrichissement personnel.

En 1995, les comptes de campagne de M. Balladur avaient été validés in extremis par le Conseil constitutionnel. Ce n'est que quinze ans plus tard qu'il a été rattrapé par des investigations lancées après une plainte des familles des victimes de l'attentat de Karachi du 8 mai 2002, qui avait coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant à la construction de sous-marins pour la DCNI dans le port pakistanais.

L'enquête, qui avait au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda, s'en était ensuite éloignée pour explorer les possibles liens - non confirmés à ce jour - entre l'attaque et l'arrêt du versement des commissions après la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle de 1995. Cette enquête antiterroriste est toujours en cours.

"Dans cette affaire d'Etat, il ne faut pas oublier que M. Balladur s'est présenté devant l'opinion publique comme le chantre de la moralisation de la vie politique française. Il appartient à la CJR de sanctionner ces dérives", a estimé Me Olivier Morice, avocat de familles de victimes.

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