"Je continue à conduire, mais j'ai peur": comme Caroline Fond, conductrice de l'Aube, des milliers d'automobilistes sont désemparés après l'immobilisation par Citroën de plus de 200.000 voitures dans la moitié nord de la France en raison d'airbags défectueux.
Quelque 236.900 propriétaires de Citroën C3 et DS 3 dans le nord de la France ont été appelés lundi à ne plus rouler le temps que soient changés leurs airbags, dans le cadre d'une nouvelle vague d'immobilisation liée au scandale Takata.
Ces airbags sont susceptibles de causer de graves blessures et ont déjà provoqué au moins 12 décès en France, dont 11 en outremer, où le climat dégrade plus vite un de leurs composants, selon le ministère des Transports.
Informée par les médias, Mme Fond, dont la DS 3 est concernée par le rappel de sécurité, a pris contact dès mardi matin avec sa concession Citroën près de Troyes. Cette dernière n'a pas pu lui donner rendez-vous avant le 10 avril pour changer les airbags, ni lui prêter de véhicule, et la trentenaire continue donc à utiliser sa voiture.
"Je n'ai pas le choix: je conduis d'une maison à l'autre pour faire des ménages et si je ne travaille pas, je ne gagne rien", souligne-t-elle.
Mais elle reconnaît son malaise face à cette "épée de Damoclès": "si j'avais des enfants, je n'utiliserais pas ma voiture", souligne cette ancienne commerciale de chez Citroën, qui se dit très déçue du "manque d'anticipation" de la marque, alors que les risques sont connus depuis de longues années.
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Le logo du fabricant japonais d'airbags Takata, qui a fait faillite, à Tokyo le 23 juin 2017
Behrouz MEHRI - AFP/Archives
Comme elle, de nombreux automobilistes inquiets sont aussi agacés des délais et de l'extrême difficulté à obtenir un véhicule de prêt.
"J'ai réduit mes trajets au minimum: emmener mon fils à l'école, faire les courses", souligne Marianne, une trentenaire qui habite près de Strasbourg. Déjà informée d'un rappel durant l'été, elle a renoncé à des longs trajets pendant les vacances "par peur", mais elle a attendu d'être sûre que le concessionnaire pourrait changer son airbag dans la journée pour lui confier sa voiture. Elle a rendez-vous mardi, et d'ici là "prie pour que ça tienne".
- Stress, déception et soulagement -
A Villeneuve-d'Ascq, en périphérie lilloise, Kadija est "déçue" de ne pas avoir été prévenue avant, car elle part en vacances avec un long trajet en voiture et a donc dû confier ses enfants mardi pour "faire les choses dans l'urgence".
Faute de réussir à joindre le service Citroën, elle s'est rendue dans une concession Stellantis et a obtenu un rendez-vous dès mercredi: "ils ont commandé la pièce, et puis ils vont faire le travail demain,", dit-elle, soulagée.
Comme elle, de nombreux propriétaires de C3 et de DS 3 se succèdent dans cette concession, où la direction indique avoir réceptionné des stocks importants et entamé les remplacements dès mardi matin.
Stellantis a assuré lundi avoir désormais des stocks d'airbags de remplacement qui peuvent être installés "tout de suite".
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Cette nouvelle campagne de rappels de Citrën C3 et DS3 va concerner au total plus de 869.000 véhicules dont 400.000 en France, selon le groupe Stellantis
Tobias SCHWARZ - AFP/Archives
Volkswagen, Nissan, BMW ou Toyota, entre autres, ont rappelé des millions de véhicules équipés de ces airbags dangereux.
A la suite de plusieurs accidents mortels, une première campagne d'immobilisation — appelée "stop drive" — avait déjà été lancée par Citroën et DS début 2024 dans le sud de l'Europe et au Maghreb, immobilisant des milliers d'automobilistes pendant des semaines. En France, elle concernait le sud du pays et l'Outre-mer, avant d'être étendue lundi aux véhicules situés au nord d'une ligne Lyon-Clermont-Ferrand et immatriculés entre 2008 et 2013.
L'avocat Charles-Henri Coppet, qui représente neuf familles de personnes décédées et onze blessés, la plupart victimes de graves mutilations du visage, demande la mise en place d'un "pôle d'instruction unique" sur ce dossier d'une grande complexité technique, "comme cela a pu se faire dans les affaires du Mediator, des prothèses PIP, de Lactalis".
Parallèlement, l'avocat explique à l'AFP avoir interpellé députés et sénateurs afin "qu'on s'interroge sur la gestion des rappels et qu'on change peut-être l'arsenal législatif en permettant que de tels accidents ne se reproduisent pas".
Le député Marc Chavent (UDR) a déposé une proposition de création de commission parlementaire le 12 février pour enquêter sur les conditions des rappels des airbags défectueux.
Par Kenan AUGEARD, Caroline Nelly PERROT / Lille (AFP) / © 2025 AFP