Alain Bauer : "On était préparés à une pandémie qui n’a pas eu lieu, H1N1"
Dans son livre Comment vivre au temps du coronavirus - Manuel pour comprendre et résister, publié aux éditions du Cerf et co-écrit avec le docteur Roger Dachez, Alain Bauer, spécialiste des gestions de crises et criminologue, tient à rappeler que la pandémie de Covid-19 n’est pas la première pandémie qu’a connue l’humanité. Notamment, le monde occidental a été frappé entre 1918 et 1921 par la grippe dite "espagnole" qui, selon l’auteur, nous enseigne encore "tout". "De la grippe espagnole, on sait tout : on sait qu’elle n’est pas espagnole, qu’elle venait du Kansas ; on sait que la censure militaire due aux effets de la guerre a amené à ne rien savoir avant de tout savoir", souligne Alain Bauer.
"Elle nous explique ce qu’a été le refus du masque, l’imposition du masque, le choix des politiques qui étaient des politiques très dures qui amenaient à des pics très rapides, et puis à une décrue, et puis à des répliques." Il y a également eu "des politiques de stop-and-go", souligne l’auteur, "un peu comme celles que nous avons" ainsi que "du mensonge, de la dissimulation, de la censure, de la contradiction".
Néanmoins, Alain Bauer juge "qu’avant 1918 on pouvait dire qu’on savait rien" et "qu’on découvrait". "Mais après ? Après on ne peut pas dire la même chose", estime le spécialiste des gestions de crises. Pour lui, "entre 1918 et 2010 nous avons tout appris de la grippe espagnole", notamment en termes de préparation avec des investissements, "des outils" ou encore "des stocks de masques".
"On était préparés à une pandémie qui n’a pas eu lieu, H1N1. Et ensuite, avec une détermination tout aussi remarquable, nous avons déconstruit, détruit, liquidé, oublié..." Il estime que tout ça est lié à "une théorie de la pensée magique tout aussi formidable : ‘si ça n’a pas eu lieu, c’est que ça n’aura jamais plus lieu’".
"On est dans l’ère de la comm’ sans contenu"
Pour expliquer ce changement de stratégie, Alain Bauer parle de "l’ère de la comm’ sans contenu". "Avant, la comm’ c’était de l’emballage, il y avait quelque chose dedans." Ainsi, l’idée c’était "qu’on avait un contenu, une ligne, une politique" avec un objectif. Aujourd’hui, "le contenu a totalement disparu. Il n’y a plus que de la comm’, il n’y a plus que de l’emballage".
"Vous êtes dans un processus où les mêmes qui n’ont plus aucune culture, au sens de la vraie culture, qui n’ont plus que de la superficie, de l’emballage, de la note de synthèse" conduit à ne vivre "plus qu’au rythme du tweet", et ce à cause des smartphones.
Il y a un "phénomène de destructuration de la perspective"
Pour lui, les hommes de pouvoir "n’ont plus de perspectives : le temps a été rétracté". "tout vit au moment du tweet", juge le criminologue. "Si ça tweet, on regrette déjà celui qu’on n’aurait pas dû envoyer, et si ça tweet pas c’est qu’on est mort." Tout ceci entraîne un "phénomène de destructuration de la perspective".
En faisant un parallèle avec la criminologie, Alain Bauer juge que dans la gestion de la crise, "il n’y a pas eu de diagnostic", qui a commencé "par la négation".
"On a un biais cognitif double dans cette affaire : les asymptomatiques, ça ça a tué le système, et l’exponentiel"
Alain Bauer parle, dans son livre, du péché originel du masque, qu’il juge être "le mensonge" lorsque les masques étaient réservés aux soignants qui en avaient le plus besoin. La responsabilité de la pénurie de masque a été renvoyée "au gouvernement d’avant".
"On a un biais cognitif double dans cette affaire : les asymptomatiques, ça ça a tué le système, et l’exponentiel." "Nous on est habitués à ce qu’un malade ressemble à un malade", juge Alain Bauer, et "au proportionnel" en termes d’augmentation du nombre de cas.
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