Deux mois après la catastrophe humaine et matérielle de l’ouragan Irma, qui a dévasté une grande partie des îles françaises de Saint-Barthélémy et Saint-Martin dans les Antilles, quelle est la situation des familles venues chercher refuge en métropole ? Ancienne habitante de Saint-Martin, Alice Pérez vit aujourd’hui à Colmar avec ses deux enfants. Elle témoigne de sa situation au micro de Sud Radio.
"J’étais dans le protocole d’accueil à Paris-Orly, je suis donc resté à l’hôtel d’Orly pendant un mois et demi où la situation était bloquée et où rien n’évoluait. Depuis le début, j’avais le souhait d’atterrir à Colmar car j’y ai des attaches amicales. Voyant que les choses n’avançaient pas, je suis sortie du protocole pour solliciter un logement d’urgence sur place. J’ai donc un appartement pour six mois, logée de manière spartiate dans un quartier de Colmar. Aujourd’hui, les propositions de logement HLM ne suivent pas. Je suis en recherche de logement, sauf que je n’ai pas d’employeur, pas de fiche de paye. Dans ma situation, le parc privé est inaccessible, les agences encore moins et le logement social est complètement saturé. Je suis donc aujourd’hui totalement seule et abandonnée, comme à Orly. Pas d’accompagnement spécifique lié à notre situation, pas de soutien psychologique pour mes enfants, pas de soutien financier pour me remeubler de A à Z, rien. Je n’ai rien de l’État, même pas mon certificat de contingent prioritaire", raconte-t-elle.
D’autres familles ont, elles, décidé de rester dans le radar des autorités françaises pour trouver à se reloger. "On a tous gardé contact car on a créé un lien assez fort avec cette catastrophe. Après l’intervention des médias, il y a eu une annonce de faite comme quoi ils allaient être logés dans un château à Coye-la-Forêt (Oise). Ils y ont effectivement été logés, certains y sont encore, dans des conditions collectives d’internat (les femmes avec les femmes, les hommes avec les hommes, les enfants dans des lits pas forcément adaptés à leur âge). Maintenant, la plupart ont été relogés en T4, dans des petites maisons individuelles dans des villes comme Bordeaux ou Nantes, en fonction de leurs demandes. Ils sont pris en charge pendant trois mois avec une caution payée", explique Alice Pérez.
"Saint-Martin ne peut pas se relever aussi vite qu’on le dit"
Pas question toutefois pour elle d’éprouver le moindre regret d’être sortie du protocole. "Quand vous ne savez pas, qu’on ne vous dit rien, que vous n’avez aucune prise en charge de l’État, que vous avez des enfants en âge d’être scolarisés, que vous avez quitté une île dévastée, il est évident que vous prenez les devants pour assurer la sécurité de vos enfants... Oui, j’ai préféré quitter le protocole pour me débrouiller toute seule parce que rien n’avançait. Aujourd’hui, mes enfants sont à l’école et ont repris il y a 15 jours à peine. Pour autant, les difficultés restent les mêmes que si j’avais un beau T4 payé pendant trois mois. Il faut quand même se remeubler de A à Z, il faut un soutien psychologique et une aide plus vaste que celle qui a été proposée à quelques familles. Car sur les 266 familles, à peine une cinquantaine ont été relogées", rappelle-t-elle.
Alice Pérez n’a en tout cas pas fait une croix sur un retour futur à Saint-Martin, mais la situation actuelle est encore très loin d’être revenue à la normale selon elle. "Saint-Martin reste dans nos cœurs, c’est une autre mentalité, une autre façon de vivre. C’est facile de dire que c’est le paradis parce qu’on a les pieds dans l’eau, mais il y a la réalité derrière ça. On a les inconvénients et les avantages, comme tout le monde. Aujourd’hui, Saint-Martin est incapable de se relever aussi rapidement que ce qu’on en dit. Ma sœur est toujours sur place, j’ai connaissance de ce qu’il se passe là-bas par les amis qui y sont restés. Oui, les structures se remontent, mais pas comme c’est dit et pas comme cela devrait. L’école, c’est trois heures par jour pour les primaires, donc les enseignants ne sont pas là. Ce n’est donc pas viable pour l’instant en ce qui me concerne. Et même si je voulais y retourner, il n’y a plus de logement car le parc immobilier est totalement détruit...", assure-t-elle.
Retrouvez en podcast toute l’interview d’Alice Pérez sur Sud Radio