Un travail "24 heures sur 24 et (presque) 365 jours sur 365" mais "passionnant" et résolument humain: dans sa maison, dans la campagne Lorraine, Sylvie Oswald accueille trois personnes en situation de handicap, qu'elle a aussi intégrées, au quotidien, dans sa vie de famille.
Dans le salon de cette grande maison au centre du village de Neufmaisons (Meurthe-et-Moselle), Andrée, 61 ans, fait du coloriage, l'un de ses "passe-temps" favoris. Tout près, Stéphanie, 41 ans, et Bruno (le prénom a été modifié à sa demande), 31 ans, regardent les Feux de l'amour, comme tous les matins, sur un grand écran plat depuis le canapé.
Ces trois personnes en situation de handicap mental, qui ne se connaissaient pas avant leur arrivée dans cette maison, cohabitent désormais aux côtés de Sylvie Oswald et de son mari.
Quelque 18.000 places de ce type sont ouvertes en France pour des personnes âgées en perte d'autonomie ou en situation de handicap.
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Sylvie Oswald (g) prépare le repas avec Stéphanie, l'une des personnes qu'elle accueille chez elle, le 25 février 2025 à Neufmaisons, en Meurthe-et-Moselle
Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
Vers 11H30, le repas est prêt: les trois pensionnaires investissent la cuisine pour faire la vaisselle, l'essuyer, mettre la table. Tout le monde met la main à la pâte sans rechigner.
Plus tôt dans la matinée déjà, ils avaient chacun eu à ranger leur chambre, passer l'aspirateur dans les parties communes ou encore vider le lave-vaisselle.
- "Un contenu familial" -
La participation aux tâches du quotidien a pour but "qu'ils gardent leur autonomie", explique leur accueillante, et ce malgré leur pathologie.
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Stéphanie (g) et Bruno, dans le salon de Sylvie Oswald, le 25 février 2025 à Neufmaisons, en Meurthe-et-Moselle
Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
Ici, Sylvie Oswald le répète: elle n'est "pas la famille, ni une famille de substitution", mais malgré tout, ces personnes handicapées, souvent en rupture familiale, ont trouvé "amour et sécurité". "On va leur apporter, quand même, un contenu familial."
Chacun a aussi son intimité et vaque à ses occupations en toute liberté. Bruno par exemple aime beaucoup sortir, quand Andrée, surnommée Dédé, peut faire des mots-mêlés dans sa chambre et Stéphanie regarde la télévision assise sur son lit.
Disant être "bien" chez Mme Oswald, Andrée confie aussi que seule, elle peut avoir "des tendances suicidaires": être entourée la sécurise.
Leurs prises en charges médicales, leurs activités de loisirs à l'extérieur, sont aussi organisées par Mme Oswald.
Ils participent aussi aux "repas de famille, fêtes, mariages" de sa propre famille, explique-t-elle.
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Sylvie Oswald (d) et Andrée, l'une des personnes qu'elle accueille chez elle, à Neufmaisons, le 25 février 2025 en Meurthe-et-Moselle
Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
Pour Sylvie Oswald, ce métier, "c'est de l'humain. Tout le monde ne serait pas capable de le faire, car pour certains, le handicap est lié à quelque chose de négatif", regrette-t-elle.
Les profils éligibles au placement en famille d'accueil sont toutefois sélectionnés, afin que la cohabitation se passe au mieux. "Il faut une certaine autonomie (de la personne accueillie), une demande, une pathologie compatible" avec une vie de famille.
- Plus d'individualité -
Les accueillants familiaux, salariés, doivent également prendre des congés payés dans l'année. Leurs pensionnaires sont alors placés dans des "familles relais" ou temporairement en institution.
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Sylvie Oswald (2eg) fait des courses dans un supermarché avec les personnes qu'elle accueille chez elle, le 25 février 2025 à Raon-l’Etape, dans les Vosges
Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
Avant de choisir de terminer sa carrière professionnelle en tant que famille d'accueil, Sylvie Oswald travaillait déjà dans une institution prenant en charge des personnes handicapées.
Là-bas, "il y avait dix personnes à gérer" en même temps, impossible donc d'individualiser les rapports autant qu'en famille d'accueil.
Questionnée, Stéphanie dit qu'elle préfère nettement être chez Sylvie Oswald. Au foyer, où elle était avant, il y avait "trop de monde", et elle ne sortait pas aussi souvent.
Là, elle va à l'équitation une fois par mois. Auprès de Cracotte, la jument qu'elle a l'habitude de monter, elle dit se sentir encore mieux.
"Quand elle était en foyer elle venait deux ou trois fois par an et là elle vient tous les mois. Elle est beaucoup plus autonome sur les tâches qu'on lui demande", observe sa monitrice, Lucie Fournerat-Croiset.
Les trois amis aiment aussi parcourir les allées de l'hypermarché à proximité, à la recherche de biscuits ou de sodas, un autre moment de partage.
En Meurthe-et-Moselle, une trentaine de familles d'accueil sont en activité. Mais il en faudrait bien plus, et susciter une vocation chez des accueillants plus jeunes, pour répondre aux demandes.
Un rapport de l'Assemblée nationale alertait en 2020 sur "l'urgence de développer l'accueil familial" qui peut aussi "constituer une réponse à la solitude des personnes âgées".
Par Marine LEDOUX / Neufmaisons (France) (AFP) / © 2025 AFP