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Assassinat de Samuel Paty: les accusés de la "jihadosphère" ne se sentent responsables de rien

En contact sur les réseaux sociaux avec Abdoullakh Anzorov, l'assassin du professeur Samuel Paty, deux des accusés de la "jihadosphère" ont rejeté mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris toute responsabilité dans cet assassinat.

STEPHANE DE SAKUTIN - AFP/Archives

En contact sur les réseaux sociaux avec Abdoullakh Anzorov, l'assassin du professeur Samuel Paty, deux des accusés de la "jihadosphère" ont rejeté mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris toute responsabilité dans cet assassinat.

Contrairement à Ismaïl Ganaev, autre membre de la "jihadosphère", qui a reconnu mardi sa culpabilité et dit sa "honte", ni Louqmane Ingar, ni Priscilla Mangel, la seule femme parmi les huit accusés, n'ont exprimé de regrets malgré leurs liens avérés sur les réseaux avec le jeune Tchétchène qui a décapité le professeur d'histoire-géographie à la sortie de son collège le 16 octobre 2020.

"Je conteste ma culpabilité", déclare à la barre Louqmane Ingar, 22 ans, qui comparaît libre après un an de détention provisoire. Le jeune Réunionnais, en veste bleu marine et chemise blanche, est poursuivi pour avoir "administré" et "participé activement" au groupe Snapchat baptisé "Etudiants en médecine" aux côtés notamment d'Ismaïl Gamaev et d'Abdoullakh Anzorov.

Le premier contact entre Ingar et Anzorov remonte à juin 2020. "Tu aimes les talibans?", demande le second au premier. "Un peu quand même", lui répond Ingar dans un message accompagné d'un smiley.

L'accusé qui suit des études d'infirmier à La Réunion explique à la cour "n'avoir jamais été radicalisé". Il soutient "avoir toujours été opposé" à l'organisation Etat islamique tout en reconnaissant une certaine attirance pour Al-Qaïda "car ils ont combattu les Soviétiques en Afghanistan".

Pour "s'informer", il se tourne vers les réseaux sociaux, s'abreuve de photos et de vidéos dont certaines sont montrées à l'audience. On voit le mollah Omar, des personnes pendues la nuque brisée, un jihadiste arme à la main avec une légende visant les dessinateurs de Charlie Hebdo... "Je me suis tourné vers les réseaux sociaux, j'avais complètement tort", dit-il piteusement. "Ces photos sont une goutte d'eau dans l'océan... Il y avait 12.000 photos sur mon appareil", ajoute-t-il avec maladresse.

"J'aurais jamais dû discuter (sur Snapchat) avec autant d'inconnus. C'était irresponsable de ma part", admet-il.

Anzorov me disait "qu'il était contre le terrorisme", argumente-t-il. Pourtant, lui fait remarquer le président Franck Zientara, Anzorov estimait que "l'égorgement pouvait être une solution aux problèmes".

Des personnes devant un portrait de Samuel Paty lors d'une cérémonie d'hommage à l'enseignant, le 16 octobre 2021 à Eragny-sur-Oise (Val-d'Oise)

Des personnes devant un portrait de Samuel Paty lors d'une cérémonie d'hommage à l'enseignant, le 16 octobre 2021 à Eragny-sur-Oise (Val-d'Oise)

Alain JOCARD - AFP/Archives

Quand Anzorov, le 9 octobre 2020, évoque Samuel Paty qui "a montré le messager d'Allah nu dans une classe de 4e", en donnant le nom du professeur et l'adresse du collège, Ingar ne réagit pas. "Je n'ai pas lu ces messages", élude-t-il. Quand Anzorov envoie la photo de la tête décapitée de Samuel Paty, Ingar se dit "choqué". "Supprime frère!" l'exhorte-t-il.

- "Virulente" -

Aujourd'hui, le jeune homme dit ne ressentir que de la "haine" pour Anzorov. "Comment j'ai pu discuter avec un terroriste?", demande-t-il.

C'est sur Twitter que Priscilla Mangel, 36 ans, a été en contact avec Anzorov avant son passage à l'acte.

Croquis de la cour d'assises spéciale de Paris, le 4 novembre 2024, montrant le box des accusés. De g. à d. : Abdelhakim Sefrioui, Louqmane Ingar, Azim Epsirkhanov, Priscilla Mangel, Yusuf Cinar, Brahim Chnina, Nabil Boudaoud et Ismael Gamaev

Croquis de la cour d'assises spéciale de Paris, le 4 novembre 2024, montrant le box des accusés. De g. à d. : Abdelhakim Sefrioui, Louqmane Ingar, Azim Epsirkhanov, Priscilla Mangel, Yusuf Cinar, Brahim Chnina, Nabil Boudaoud et Ismael Gamaev

Benoit PEYRUCQ - AFP

Foulard châtaigne autour du visage, ample blouse vert pomme, Priscilla Mangel, convertie à l'islam à l'âge de 16 ans, est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes, rappelle la cour.

Elle est mariée "religieusement" avec un jihadiste qui purge actuellement une peine de 14 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste. Pour autant, l'accusée qui comparaît libre affirme n'avoir "jamais adhéré à la cause jihadiste".

Elle reconnait cependant avoir pu se montrer "virulente" sur les réseaux sociaux au point d'avoir été bannie plusieurs fois de nombreux comptes. En septembre 2020, quand Charlie Hebdo annonce la republication des caricatures honnies par les islamistes, elle écrit: "Charlie en redemande".

"J'étais dans la provocation... Je ne mesurais pas la portée des mots... Dès que j'ai une émotion je réagis", se justifie-t-elle avant de critiquer le droit au blasphème.

Son premier contact avec Anzorov date du 9 octobre après qu'elle a publié la vidéo de Brahim Chnina, un des accusés, contre Samuel Paty.

L'encourage-t-elle ? Elle s'en défend. "Je n'ai pas vu d'intentions violentes", affirme la femme qui à l'époque avait pris le pseudonyme de "Cicatrice sucrée".

Le cours de Samuel Paty, écrit-elle pourtant à l'intention d'Anzorov, est "l'illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans".

Elle aussi se dira "horrifiée" quand Anzorov lui enverra la photo de la tête tranchée du professeur. Elle ferme son compte Twitter. "J'ai pris peur. J'étais en panique".

Louqmane Ingar et Priscilla Mangel, tout comme Ismaïl Ganaev, encourent 30 ans de réclusion criminelle.

Par Alain JEAN-ROBERT / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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