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Assassinat Samuel Paty: l'accusé qui ne se doutait de rien

Deuxième accusé à être entendu au procès de l'assassinat de Samuel Paty, Naïm Boudaoud a soutenu jeudi, parfois maladroitement, n'avoir rien remarqué de suspect chez Abdoullakh Anzorov, le jeune islamiste radical tchétchène qui a décapité le professeur d'histoire-géographie.

Benoit PEYRUCQ - AFP/Archives

Deuxième accusé à être entendu au procès de l'assassinat de Samuel Paty, Naïm Boudaoud a soutenu jeudi, parfois maladroitement, n'avoir rien remarqué de suspect chez Abdoullakh Anzorov, le jeune islamiste radical tchétchène qui a décapité le professeur d'histoire-géographie.

Anzorov "est un menteur, il m'a utilisé (...) Cette ordure s'est servi de moi", s'est défendu le jeune homme de 22 ans qui, dans son attitude et ses paroles, semble à peine sorti de l'adolescence. Plus l'interrogatoire s'étire, plus Naïm Boudaoud perd ses mots et s'agace.

"Ressentez-vous une part de responsabilité dans ce qui est arrivé ?", lui demande l'avocat général, Nicolas Braconnay.

"Je ne suis pas responsable car je n'étais pas au courant. Anzorov m'a pris pour un con et par sa faute, je me retrouve ici. Si j'avais su quoi que ce soit, j'aurais prévenu la police", répond le jeune accusé.

Poursuivi pour complicité d'assassinat terroriste devant la cour d'assises spéciale de Paris, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

En compagnie de son ami Azim Epsirkhanov, également jugé pour complicité d'assassinat, Naïm Boudaoud a aidé Anzorov dans sa recherche d'armes, notamment pour l'achat d'un couteau la veille de l'attentat.

C'est lui aussi, sans Azim Epsirkhanov cette fois, qui, le 16 octobre 2020, le jour de l'attentat, a convoyé Anzorov jusqu'aux abords du collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) où enseignait Samuel Paty.

"Anzorov m'a dit: +J'ai une embrouille à régler avec des noirs+", raconte le jeune homme pour expliquer pourquoi Anzorov lui avait demandé de le conduire dans un magasin où acheter un pistolet à billes puis de le conduire à Conflans.

Quand il a acheté son pistolet, Anzorov tient à lui en offrir un. "C'est un cadeau avant que je meurs", lui dit-il. "J'ai pris ça pour une plaisanterie", affirme Naïm Boudaoud.

Ensuite, "je me suis arrêté à une intersection dans une zone pavillonnaire. Je ne savais pas où on était. Il m'avait juste donné le nom d'une place", poursuit Naïm Boudaoud. "J'étais pressé. J'avais promis à ma copine (lycéenne à Evreux) de l'emmener à son entretien de stage. Je suis reparti après avoir déposé Anzorov".

- "Dinguerie" -

Si durant sa garde à vue, il a dit aux enquêteurs qu'Anzorov évoquait tout le temps le jihad, il explique à la cour qu'à ce moment-là, il était "sous le choc" et qu'il a dit ça pour "grossir le trait" afin de satisfaire les enquêteurs de la DGSI.

Il admet cependant qu'Anzorov lui avait confié qu'il ne serrait pas la main des femmes, n'écoutait pas de musique. "Il m'a dit : +Pas prier, c'est pire que de violer un homme+", se souvient le jeune homme.

Le soir du 16 octobre, c'est sa mère, "référente laïcité" et "formatrice valeurs de la République" dans une commune du Val-de-Marne, qui lui a appris l'assassinat de Samuel Paty.

"Elle me parle d'un prof, d'un attentat. Je comprends rien. Ma copine commence à regarder les faits divers. On est sous le choc. Azim (Epsirkhanov) m'appelle, il me dit qu'Abdoullakh (Anzorov) a fait une dinguerie, qu'il a posté une photo de tête décapitée sur les réseaux sociaux", raconte Naïm Boudaoud.

"J'ai même pas de mots pour décrire à ce moment-là notre état de panique, de stress", poursuit-il. Le soir même, peu après minuit, il se rend au commissariat d'Evreux avec Azim Epsirkhanov.

Mais comment Anzorov, qui évoquera sans détour son intention de s'en prendre à Samuel Paty à des collégiens qu'il ne connaissait pas, a-t-il pu cacher à ses deux plus proches amis son projet mortifère ?

Ni Azim Epsirkhanov, ni Naïm Boudaoud n'ont su répondre clairement à cette question essentielle. "On était entre jeunes. On parlait de choses banales", dit Naïm Boudaoud sans convaincre.

Mercredi soir, l'avocate d'Azim Epsirkhanov, Me Sarah Valduriez a fait entendre à la cour des extraits d'une conversation entre son client et une de ses amies sur Instagram le soir de l'assassinat.

Il est 20H41. Azim Epsirkhanov semble choqué et frappé d'incrédulité. "Ca fait longtemps que je connais (Anzorov) et jamais, jamais il m'a dit des trucs comme ça (...) Jamais il est dans des trucs comme ça. Je comprends pas, c'est pas possible, c'est impensable carrément".

Les prochains interrogatoires sont prévus à partir du 2 décembre.

Par Alain JEAN-ROBERT / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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