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Au procès du pédocriminel Le Scouarnec, les parents des victimes face à "l'innommable"

Face à la cour criminelle du Morbihan, le père d'une des 299 victimes de Joël Le Scouarnec peine lundi à garder son calme en évoquant sa fille laissée entre les mains du chirurgien pédocriminel, le temps d'une opération: "si j'avais su, je lui aurais mis mon poing dans la gueule."

Benoit PEYRUCQ - AFP/Archives

Face à la cour criminelle du Morbihan, le père d'une des 299 victimes de Joël Le Scouarnec peine lundi à garder son calme en évoquant sa fille laissée entre les mains du chirurgien pédocriminel, le temps d'une opération: "si j'avais su, je lui aurais mis mon poing dans la gueule."

Il y a 24 ans, jour pour jour, "je n'ai pas eu la possibilité de défendre ma fille ni dans sa chambre, ni au bloc opératoire face à l'accusé", regrette le sexagénaire, crâne chauve et lunettes.

A ses côtés se tient Manon Lemoine, 35 ans, qui avait 11 ans lorsque le médecin l'a violée à la clinique du Sacré-Coeur à Vannes, tel qu'il l'a décrit dans ses carnets et tel qu'il l'a reconnu jeudi devant la cour.

La voix claire, les mots sûrs, Mme Lemoine a égréné "les souvenirs éparses" de l'appendicectomie, raconté "la douleur", puis les cauchemars et l'adolescence bouleversée, chaotique.

L'opération, résume-t-elle, a été "un incendie ravageant tout sur son passage", la marquant "au fer rouge" jusqu'à une tentative de suicide en 2008.

A côté d'elle, sa mère, même coupe, même cheveux bruns, confie que le temps s'est arrêté après l'opération.

"Je suis la maman de Manon, ma petite fille de 11 ans", annonce-t-elle d'emblée à la cour. "C'est ma petite fille que j'essaie de reconstruire. Mais une maman n'est pas bâtie pour affronter ça."

"Ca", c'est le mal-être de sa fille, dont elle n'a pas su cerner l'origine. "Elle entrait dans l'adolescence, on se disait que c'était ça l'explication", rejoue-t-elle. "Que d'années gâchées."

Elle ploie de quelques centimètres, puis se redresse.

"Est-ce normal que ce soit nous qui culpabilisons de ne pas avoir su protéger notre fille?"

- "Liens familiaux brisés" -

Depuis le début du procès de Joël Le Scouarnec le 24 février, rares sont les parents accompagnant leur enfant lors de son audition par la cour, regrette le père de Manon Lemoine.

Il y devine "la difficulté d'affronter les faits et les liens familiaux brisés par le traumatisme".

Pour Me Grimaud, qui représente 39 parties civiles dont Manon Lemoine, "la présence des parents est l'aboutissement d'un cheminement extrêmement long".

Les enfants violés et agressés sexuellement par Joël Le Scouarnec ont "aujourd'hui un corps et un esprit d'adulte" et les parents s'interrogent sur leur "légitimité" à être présents au procès, explique-t-elle.

"Mais malgré la taille, malgré parfois l'aisance que peuvent avoir mes clients, ça reste des enfants et je rappelle (aux parents) que leur fille aura 11 ans quand elle sera devant la barre", insiste l'avocate.

"Et à cet âge-là, on a besoin de ses parents."

- "Préserver" ses parents -

Lundi, une autre victime de l'ex-chirurgien, Marion, 40 ans est venue entourée de ses parents.

Jusque-là, elle a voulu "les préserver", en demandant qu'ils ne lisent jamais au cours de l'instruction le récit détaillé de son viol, que Joël Le Scouarnec a conservé dans ses journaux intimes.

Avec son accord, la présidente Aude Buresi lit les mots scabreux et obscènes de l'accusé, qui résonnent dans la salle d'audience.

Sur le banc, la mère de Marion tente de cacher ses mains tremblantes.

Habillée en gris anthracite comme sa fille, elle raconte ensuite le déroulé précis de l'appendicectomie dont le "diagnostic avait été posé à la va-vite".

Elle avait voulu dormir avec sa fille la première nuit mais "quelqu'un" avait refusé. Quand elle retrouve Marion, alors âgée de 12 ans, elle découvre "une enfant que nous ne connaissions pas, extrêmement agitée".

"Aujourd'hui, je réalise que la douleur n'était pas le problème, c'était autre chose", souffle-t-elle. "Mais comment pouvais-je imaginer l'innommable?"

Depuis, il lui est difficile de faire confiance aux médecins qui "ne font pas que soigner mais agressent aussi", au point de refuser qu'une autre de ses filles soit à son tour opérée de l'appendice.

"Comment pouvaient-ils savoir qu'ils confiaient leur enfant à un pédocriminel? Ils ne voyaient qu'un chirurgien", déclare depuis son box Joël Le Scouarnec.

"J'aurais la même colère", admet-il.

Par Anaïs LLOBET / Vannes (AFP) / © 2025 AFP

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