Cité comme témoin par la défense du jihadiste Mehdi Nemmouche, accusé d'avoir été un geôlier du groupe Etat islamique, l'ancien président François Hollande a répété mercredi que "la France ne verse pas de rançons" pour obtenir la libération d'otages.
L'ex-chef de l'Etat, qui avait déjà témoigné aux procès des attentats du 13-Novembre et de Nice, s'avance à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris. "Je suis député de Corrèze et j'habite à Tulle."
De l'aveu même de Me Francis Vuillemin, à qui il doit sa présence, l'audition de l'ancien président n'a "aucune incidence sur le sort judiciaire" de Mehdi Nemmouche. Identifié par les ex-otages français retenus pendant 10 mois par l'EI en Syrie entre 2013 et 2014, ce dernier conteste le rôle de geôlier et de tortionnaire dont il est accusé.
"Chaque fois que je suis appelé à témoigner, je m'y plie, alors que je ne suis pas obligé", note François Hollande.
Tantôt solennel, tantôt plein d'humour, il revient sur la mobilisation immédiate des services de renseignement qui oeuvreront "24 heures sur 24" pendant toute la captivité des otages, qu'il accueillera lui-même sur le tarmac de Villacoublay (Yvelines) le 20 avril 2014.
Pendant tout ce temps, il tient à témoigner que les services français "ont été particulièrement efficaces et courageux".
Ils ont su où se trouvaient les lieux de détention successifs des otages, mais il n'y a eu "aucune collaboration avec les services syriens", Paris estimant que le "régime syrien" de Bachar al-Assad "a agi cyniquement avec un certain nombre de terroristes" dont il avait "besoin pour justifier la répression".
- La France "visée" -
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Me Francis Vuillemin, avocat de la défense du jihadiste Mehdi Nemmouche, à Paris le 26 février 2025
Behrouz MEHRI - AFP
"Si nous avons été victimes de terrorisme", si la France a été ciblée par des attentats, postérieurs à ces enlèvements, c'est parce que des "terroristes voulaient nous attaquer nous la France", insiste François Hollande.
"Si nous avons été attaqués", "s'ils ont été enlevés", "c'est parce que c'est la France qui était visée".
Sur les 24 otages occidentaux, la moitié "ne sont jamais revenus", souligne l'ancien président socialiste. "Il s'en est fallu de peu", pour que les quatre Français subissent le même sort, "quelques semaines plus tard ils auraient été assassinés".
Le président de la cour, Laurent Raviot, s'attache à déminer les questions de la défense qui s'annoncent, autour de l'hypothèse de rançons. Un élément évoqué par l'un des "Beatles" de l'EI, Alexanda Kotey, membre d'un groupe ainsi nommé en raison de l'accent britannique de ses membres.
"Je ne viole rien, je ne fais rien de grave en abordant cette question dont tout le monde connaît la réponse en réalité", lance Me Vuillemin en préambule.
François Hollande l'assure: "la France ne verse pas de rançons, je n'en dirai pas davantage". "Sauf s'il a dit qu'il a reçu quoi que ce soit !", complète l'ex-chef de l'Etat en désignant Mehdi Nemmouche assis dans son box, suggérant que l'avocat devrait dans ce cas s'interroger sur l'origine de ses honoraires. La salle rit.
- Tout faire, ne rien dire -
"Nous avons tout fait pour aller au contact" des ravisseurs, "cherché le contact", raconte l'ancien chef de l'Etat, et "s'il y avait eu une possibilité d'intervention, elle aurait été engagée", "des agents de la DGSE ont risqué leur vie dans cette opération".
Il révèle qu'"à un moment donné, nous avons pensé" que la captivité des otages "durerait une semaine".
Me Vuillemin rebondit sur la question de ses honoraires qui sont pris en charge par l'aide juridictionnelle, si bien qu'il ne touche "presque rien".
Réponse de François Hollande: "ça me rassure". Nouveaux rires.
Retour du sérieux. "Les modalités opératoires" des services français "restent ce qu'elles doivent être, c'est-à-dire secrètes", insiste l'ex-président.
Si aucune rançon n'a été versée, quid d'un quelconque "avantage d'ordre économique, financier, matériel" qui serait consenti "de manière directe ou indirecte" ?
L'ancien président ne révèlera rien: "j'invoque ce qui doit être gardé secret pour notre intérêt collectif", "c'est une garantie d'efficacité pour l'action de l'Etat".
Questionné par les avocats des parties civiles, François Hollande raconte aussi la difficulté face aux interrogations des familles, et la seule réponse qui peut leur être faite: "Nous faisons tout mais nous ne pouvons rien vous dire", "nous faisons tout pour les libérer".
Par Sylvain PEUCHMAURD / Paris (AFP) / © 2025 AFP