François Bayrou, sous pression dans le dossier des violences au sein de l'établissement de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), a défendu samedi son action lorsqu'il était ministre de l'Education et promis des moyens supplémentaires aux victimes qu'il a reçues longuement à Pau.
"J'ai fait tout ce que je devais faire quand j'étais ministre et j'ai fait tout ce que je pensais devoir faire quand je ne l'étais plus", a assuré le Premier ministre, en poste à l'Education de 1993 à 1997, après un échange "bouleversant" de trois heures et demie avec neuf des 112 victimes qui ont porté plainte pour agressions ou violences sexuelles.
Il a notamment souligné avoir "fait organiser une inspection générale" de l'établissement catholique, dès qu'il a appris en 1996, le dépôt d'une première plainte d'un élève, giflé violemment par le surveillant général de ce collège-lycée sous contrat situé à une vingtaine de kilomètres de Pau.
Et elle a donné lieu à un rapport "rassurant", a-t-il ajouté, puisque l'inspecteur y déclare que Notre-Dame-de-Bétharram "n'est pas un établissement où les élèves sont brutalisés".
Le Premier ministre a en outre répété, comme devant l'Assemblée nationale mardi et mercredi après la publication d'une enquête de Mediapart, qu'il "n'était pas au courant" des accusations de violences sexuelles au sein de l'établissement, où étaient scolarisés plusieurs de ses enfants.
- Commission d'enquête parlementaire demandée -
Le député Insoumis Paul Vannier, qui l'a accusé d'avoir menti à ce sujet devant les députés, a réclamé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le contrôle des établissements scolaires privés. La demande sera examinée mercredi en commission des Affaires culturelles et de l'éducation à l'Assemblée, où une motion de censure déposée par le PS doit être étudiée dans la semaine.
"C'est extrêmement grave", s'il s'avère que François Bayrou "a menti devant la représentation nationale", a estimé samedi Jordan Bardella, premier responsable RN à s'exprimer sur cette polémique.
Alain Esquerre, porte-parole des victimes, a préféré saluer un "jour historique". "J'ai 53 ans, ça fait 40 ans que j'attendais ce moment, donc c'est une immense victoire", a-t-il déclaré, très ému.
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Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes du collège-lycée de Bétharram, le 15 février 2025 à Pau avant sa rencontre avec le Premier ministre François Bayrou
PHILIPPE LOPEZ - AFP
"Le scandale de Bétharram, je le rappelle, ce sont des agressions physiques, des sévices de toute nature, des humiliations et des attouchements et des viols sur des enfants âgés de 8 à 13 ans, perpétrés par 26 adultes, des prêtres, y compris directeurs et des surveillants laïcs".
Un homme de 45 ans, venu samedi après avoir entendu parler de l'affaire "il y a trois jours dans les médias" a raconté, sous couvert d'anonymat, avoir subi la punition dite "du perron", lors de laquelle des élèves étaient laissés dehors, au bord du gave de Pau, sans vêtements ou encore celle du "pied du lit", "où on devait rester planté devant notre lit, pendant des heures".
- Jean-Marc Sauvé sollicité -
"J'invite tous ceux qui n'ont pas encore saisi la justice à se manifester, car un nombre colossal de victimes reste encore tapi dans l'ombre", a ajouté Alain Esquerre.
A ses côtés, François Bayrou a annoncé qu'il allait demander "des magistrats supplémentaires" pour "aller au bout" de l'enquête, qui se concentre sur une période allant des années 1970 aux années 1990, précisant que 95 des 112 victimes avaient déjà été entendues par les gendarmes.
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Vue générale du collège-lycée Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques, le 12 février 2025
Philippe Lopez - AFP
Il a également souhaité "examiner" la prise en charge des victimes de violences sexuelles même sans "condamnation pénale".
"Il faut que nous nous posions cette question: juridiquement, quel est le statut des victimes dont on sait qu'elles ont été victimes mais dont les actes sont prescrits ? Comment peut-on les reconnaître et comment peut-on les aider?", a insisté le chef du gouvernement.
Il a, en ce sens, annoncé que le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé, qui avait présidé une commission d'enquête sur les violences sexuelles dans l'Eglise, allait s'entretenir "avec le collectif" de victimes de Bétharram, "pour partager avec lui ses questions et ses interrogations".
Il a aussi évoqué un possible élargissement du fonds d'indemnisation pour les victimes de violences physiques et sexuelles, afin qu'il ne concerne pas seulement les actes commis par des religieux, mais aussi par des "laïcs qui dépendent de ces institutions".
Par Carole SUHAS / Pau (AFP) / © 2025 AFP