Initier les écoliers à la notion de consentement, parler de sexualité ou de discriminations de genre avec les plus grands: Elisabeth Borne a défendu jeudi le programme d'éducation à la vie affective et sexuelle, contesté par certaines franges conservatrices, qui doit s'appliquer à la prochaine rentrée.
"Cette éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité est absolument indispensable", a déclaré la ministre de l'Education sur France Inter.
Ce programme, le premier élaboré sur ce sujet sensible, doit entrer en vigueur en septembre 2025 et prévoit trois séances annuelles dans l'ensemble des écoles, collèges et lycées, publics comme privés, comme théoriquement imposé par la loi depuis 2001. Mais ces séances d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle sont peu réalisées.
Après plusieurs contretemps, ce texte sera examiné mercredi prochain par le Conseil supérieur de l'éducation (CSE), une instance regroupant notamment les représentants des professeurs et des parents d'élèves.
La dernière version de ce programme, consultée par l'AFP et envoyée aux membres du CSE, s'efforce de répondre dans sa rédaction à certaines inquiétudes exprimées lors de son élaboration. A l'automne, il avait fait l'objet d'une fronde de la part d'associations conservatrices, puis de responsables politiques, dénonçant notamment la présence d'une "théorie du genre".
- "Identité de genre" au lycée -
Alors que le terme "d'identité de genre" était apparu plus d'une quinzaine de fois dans certaines versions du texte, faisant polémique, il ne figure plus que sept fois dans la dernière version du programme.
Le texte ne fait par ailleurs pas mention du terme précis d'"identité de genre" avant la seconde, un point souligné par la ministre, qui a mis en avant le fait que "ça fait partie du code pénal, donc je pense que c'est important aussi d'expliquer aux lycéens".
La notion seule de "genre", différenciée du "sexe biologique", est évoquée à partir de la cinquième.
Le texte mentionne par ailleurs que l'éducation à la sexualité sera mise en œuvre sans pour autant "se substituer au rôle des parents et des familles des élèves", une crainte exprimée notamment par l'enseignement catholique.
Le programme souligne aussi que l'éducation à la sexualité "se construit en deux étapes successives: une +éducation à la vie affective et relationnelle+ pour l’école maternelle et l’école élémentaire, une +éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité+ pour le collège et le lycée" et qu'elle "nécessite un ajustement à l’âge et à la maturité des élèves".
La ministre s'est voulue rassurante sur ce point: "C'est un programme qui est très attentif à apporter les bonnes informations en fonction de l'âge de l'élève".
- Education "jamais instrumentalisée" -
De manière pratique, ce sont "les professeurs" - sans préciser de quelle discipline - qui auront "la responsabilité première" de ce programme, "en lien avec les personnels éducatifs, sociaux et de santé de l’Éducation". Quant aux "partenaires extérieurs, comme des associations" agréées, leur intervention sera "systématiquement anticipée, préparée et coordonnée" avec des membres de l'équipe éducative et s’effectuera "toujours en leur présence", souligne le texte.
Répondant à une autre inquiétude, il est précisé que les intervenants extérieurs "doivent respecter la nature scolaire de cette éducation, sans jamais l’instrumentaliser et en promouvant le respect et l’égalité".
Dans le précédent gouvernement Barnier, le ministre délégué à la Réussite scolaire, Alexandre Portier, avait lui-même exprimé son rejet du programme en l'état, avant d'être recadré par sa ministre de tutelle, Anne Genetet. Elisabeth Borne avait promis dès son arrivée que ce programme serait examiné par les instances de consultation de l'Education nationale d'ici "fin janvier".
Il faut "avoir en tête qu'on a un enfant toutes les trois minutes qui fait l'objet d'agressions sexuelles, souvent au sein de la famille", "qu'on a plus de deux millions de mineurs qui sont exposés à des contenus pornographiques sur internet" et que "toutes les enquêtes le montrent, et notamment celle du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, le sexisme augmente", a-t-elle martelé sur France Inter.
Par Sophie LAUBIE / Paris (AFP) / © 2025 AFP