François Bayrou fera usage pour la première fois lundi de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le budget, mettant ainsi en jeu son poste mercredi lors d'une motion de censure dont l'adoption dépendra des socialistes et du RN.
Deux mois après la chute du gouvernement Barnier, les députés doivent examiner à partir de 16H00 le texte de compromis dont a accouché vendredi une commission mixte paritaire réunissant à huis clos 14 parlementaires des deux chambres.
L'ensemble des députés d'opposition ont voté contre le texte en CMP, ne laissant guère d'autre choix au Premier ministre que d'engager la responsabilité du gouvernement, en l'absence de majorité à l'Assemblée.
"Maintenant, il faut passer sans tarder à l'adoption. Un pays comme le nôtre ne peut pas rester sans budget. Le seul moyen, c'est d'engager la responsabilité du gouvernement", a annoncé M. Bayrou à La Tribune Dimanche.
Le Premier ministre devrait enchaîner rapidement, peut-être dès lundi soir, un deuxième 49.3, sur la première partie du budget de la Sécurité sociale, qui arrive en nouvelle lecture à l'Assemblée. Deux ou trois 49.3 au total devront être déclenchés sur ce texte avant sa transmission au Sénat, un pour chaque partie.
- les socialistes partagés -
La France insoumise a annoncé de longue date une motion de censure pour faire chuter M. Bayrou, que devraient voter mercredi communistes et écologistes.
La position du Rassemblement national et du PS, sans les voix desquelles cette motion ne peut passer, n'est pas encore connue. Les regards sont plus particulièrement braqués sur les socialistes, avec qui le gouvernement négocie depuis plusieurs semaines.
Dans une interview à Ouest-France dimanche, le président du groupe PS Boris Vallaud a affirmé que la question n'était "pas encore tranchée". Un bureau national se réunit lundi midi, mais la décision pourrait se faire attendre jusqu'à mercredi.
Si le PS a "arraché des concessions", elles "restent largement insuffisantes pour faire de ce budget un bon budget", affirme-t-il. "Mais nous savons aussi que ce pays a besoin d'un budget et nous entendons les inquiétudes, les craintes des entreprises, des collectivités ou des associations", dit-il.
Deux lignes s'affrontent donc au PS entre ceux qui ne veulent pas laisser le pays sans gouvernement et sans budget, comme le leur demande l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, et ceux qui veulent censurer notamment au nom des valeurs depuis que François Bayrou a utilisé le terme de "sentiment de submersion" migratoire, cher à l'extrême droite.
Lundi, ce sont davantage les premiers qui se faisaient entendre. "Ce n'est évidemment pas un budget (de la Sécurité sociale) de gauche mais il est assurément plus acceptable que le budget Barnier qui faisait des économies à la serpe", a estimé dans les Echos Jérôme Guedj.
- changement d'alliance -
Les socialistes pourraient-ils demander de nouvelles concessions d'ici mercredi ? Pas dans le budget de l'Etat puisque la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a confirmé lundi sur France 2 que le texte soumis au 49.3 sera celui issu de la CMP. "On a été au bout de ce qui peut être une discussion", a jugé le chef des députés Modem Marc Fesneau.
Quant à une hausse du Smic demandée par les socialistes, celle-ci "n'est pas à l'ordre du jour", selon la ministre du Travail Catherine Vautrin qui l'a renvoyé à "une conférence sociale plus large sur le travail" qui se déroulerait après le conclave sur les retraites.
Les socialistes restent par ailleurs sous la pression des Insoumis. S'ils "ne votent pas la motion de censure, alors ils auront procédé à un changement d'alliance. Ils seront dans un soutien sans participation au gouvernement et auront renié les engagements pris devant les électeurs", répète le coordinateur de LFI Manuel Bompard.
Mais LFI devrait "peut-être s'interroger sur sa stratégie", a répondu le député socialiste Philippe Brun après la nette défaite de son candidat Louis Boyard à la municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).
- Le RN attend la décision des chefs -
Le sort de François Bayrou dépend également du RN, plus en retrait, le Premier ministre ayant choisi de négocier avec le PS. "Nous avons une réunion lundi après-midi pour déterminer notre position", a déclaré sur Public Sénat le porte-parole du RN Julien Odoul.
Le député Jean-Philippe Tanguy a estimé dimanche que le budget proposé était "pire que l'absence de budget", et que lui-même souhaitait la censure.
Mais il appartiendra à Marine Le Pen et à Jordan Bardella de trancher. Au RN, pas de vote interne mais "une unité de commandement", s'est félicité M. Tanguy.
Par Stéphanie LEROUGE / Paris (AFP) / © 2025 AFP