Des craintes en forme de critique: Gabriel Attal a redouté mercredi "trop d'impôts" et "pas assez de réformes" à la veille de la présentation du projet de budget du gouvernement Barnier, sous pression de nombreux secteurs censés être mis à contribution pour trouver des économies.
Lors d'une conférence de presse, le président du groupe Ensemble pour la République (EPR) a évoqué "un accord plein et entier sur la direction" tracée par le Premier ministre pour ce budget "pour prolonger l'effort qui a été initié de réduire nos déficits publics".
Mais, a ajouté l'ancien Premier ministre, "la crainte que nous avons déjà exprimée, c'est que le budget qui semble se dessiner n'intègre pas assez de réformes et trop d'impôts, avec le risque de déstabiliser nos industries et la classe moyenne qui travaille".
M. Attal s'est défendu de toute volonté de "polémiquer" avec un gouvernement qui compte de nombreux ministres issus des rangs macronistes. Mais les relations sont fraîches entre son groupe et Michel Barnier, comme en a une nouvelle fois témoigné la réunion de groupe agitée mardi en présence du nouveau Premier ministre.
"La hausse prévue des charges pour les entreprises, la hausse plus forte que prévu sur l'électricité, le gel des retraites pour six mois et d'autres mesures fiscales nous semblent charger trop la barque pour les Français", a souligné M. Attal, distillant des propositions alternatives, comme la reprise de la réforme de l'assurance-chômage — M. Barnier a préféré redonner la main aux partenaires sociaux— ou un effort supplémentaire sur les collectivités locales pour éviter de geler les retraites.
A la veille de la présentation du budget en Conseil des ministres, différents secteurs appelés à réaliser des économies montent au créneau, du ministre de la Justice Didier Migaud aux représentants des collectivités territoriales, en passant par les PME.
Ce PLF 2025 prévoit un effort budgétaire d'environ 60 milliards d'euros, selon le gouvernement, dont 40 milliards d'euros d'économies sur les dépenses et 20 milliards de recettes supplémentaires via des hausses d'impôts et des augmentations de cotisations sociales, essentiellement pour les entreprises.
-"Spirale infernale"-
"Chacun a tendance à avoir des idées d'économies chez les autres et à les refuser chez lui : il faut que chacun arrête de jouer au chamboule-tout avec toutes les pistes d'économies qui sont sur la table" sinon, "à la fin, nous continuerons cette spirale infernale de la dette", a mis en garde mercredi le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau.
Dans leur viseur en premier lieu, les collectivités locales, remontées contre un effort éventuel de 5 milliards d'euros. "L’État demande aux autres d'assumer ses propres turpitudes et ce n'est pas acceptable", a critiqué le président de l'Association des maires de France David Lisnard.
"Je ne mettrai jamais les collectivités locales en accusation". "Nous protégerons les collectivités les plus fragiles", mais "l'effort doit être partagé", a tenté de rassurer Michel Barnier devant le Sénat.
L'ancien ministre de l'Environnement Christophe Béchu a de son côté regretté la baisse envisagée de 1,5 milliard d'euros du Fonds vert, "un mauvais signal" car "c'est la subvention qui sert à accélérer en matière de transition écologique" pour les collectivités.
Les PME protestent, elles, contre toute remise en cause partielle des allégements de cotisations patronales ou des aides à l'embauche d'apprentis.
"Clairement, ça veut dire une augmentation du coût du travail, ce n'est pas ce qu'on demandait", a souligné le secrétaire général de la CPME, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson.
-Bregeon répond à Migaud-
Mais Michel Barnier doit aussi faire face à des mouvements d'humeur au sein de sa propre équipe.
Dimanche la ministre de l’Éducation Anne Genetet a fait part du "besoin de sanctuariser le budget de l'école".
Surtout, mardi soir, le garde des Sceaux Didier Migaud, auditionné en commission des Lois, a prévenu que le budget de la Justice "ne serait pas satisfaisant", tout en affirmant être "mobilisé" pour que "les engagements principaux soient tenus, notamment au niveau des effectifs".
Le budget 2025 maintiendra "une hausse des effectifs sur la Justice, l'Intérieur et la défense", lui a répondu mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, sans détailler le niveau de cette hausse.
Plus généralement, face aux protestations du camp présidentiel sur les hausses d'impôts ou de la plupart des groupes politiques sur le décalage de six mois de la revalorisation des retraites, le gouvernement, sans majorité à l'Assemblée nationale, répète arriver avec des propositions "qui ne sont pas figées", du moment que le volume global de l'effort n'est pas remis en cause.
Par Fabrice RANDOUX / Paris (AFP) / © 2024 AFP