Conforté par la décision du PS de ne pas chercher à faire tomber son gouvernement sur les questions budgétaires, François Bayrou a dégainé lundi les premiers 49.3 de son mandat, sans grands risques pour sa survie politique malgré les motions de censure déposées par LFI.
"Aucun pays ne peut vivre sans budget et la France moins que tout autre", a argué le Premier ministre dans l'hémicycle, engageant la responsabilité de son gouvernement sur le projet de budget 2025.
Le gouvernement espère ramener par ce texte le déficit public à 5,4% du PIB en 2025, notamment avec de nouvelles recettes, temporaires, sur les ménages les plus aisés et les bénéfices des grandes entreprises, mais aussi des coups de rabot sur les dépenses de plusieurs ministères.
Un budget bâti sur des hypothèses "un peu optimistes" de croissance, avec "peu de marges de sécurité", a estimé le Haut Conseil des finances publiques.
Les Insoumis ont répondu comme attendu à l'usage de l'article 49.3 de la Constitution qui permet l'adoption d'un texte sans vote. Ils ont déposé une motion de censure, qui n'aura toutefois aucune chance d'aboutir sans les voix socialistes.
Celle-ci devrait être débattue et soumise au vote mercredi. Son rejet entraînerait l'adoption du budget 2025 à l'Assemblée, avant une adoption définitive sans suspense jeudi au Sénat.
Deux mois après la chute du gouvernement Barnier, François Bayrou semble ainsi assuré de rester pour le moment à Matignon, même si le RN décidait de censurer, le groupe de Marine Le Pen devant trancher mercredi.
- "Budget de droite" -
"Le projet de loi de finances pour 2025 demeure un budget de droite", a affirmé le groupe PS dans un communiqué, invoquant l'"esprit de responsabilité" et "l'intérêt du pays" pour "ne pas censurer le gouvernement au moment où la France attend de disposer d'un budget".
A l'issue de cette procédure budgétaire, le PS déposera en revanche une motion de censure spontanée (article 49.2) en réaction aux propos de François Bayrou sur le "sentiment de submersion" migratoire. Mais plusieurs participants au bureau national jugent qu'elle n'a "aucune chance" de recueillir les voix du RN et de faire tomber le gouvernement.
"Le Nouveau Front populaire est réduit d'un parti", a répliqué le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon après la décision de non-censure du PS sur le budget, accentuant les doutes sur l'avenir de l'alliance de gauche.
Le président LFI de la commission des Finances Eric Coquerel a fustigé un budget "encore plus austéritaire" que celui de Michel Barnier, lançant un appel au PS : "si le RN vote la motion de censure", il suffit que "20-25" socialistes la soutiennent.
Mais, selon le groupe PS, l'ensemble de ses députés suivront la décision du Bureau national, pour le budget de l'Etat et celui de la Sécurité sociale. Une décision importante puisque François Bayrou a rapidement dégainé un deuxième 49.3 lundi, sur une partie de ce second texte, qui avait causé la chute de Michel Barnier en décembre.
Une situation rarissime : le dernier Premier ministre ayant invoqué plusieurs fois le 49.3 le même jour était Michel Rocard, il y a près de 35 ans, selon le site de l'Assemblée.
- D'autres 49.3 attendus -
"C'est une obligation pour nous d'avoir un texte qui permette aux acteurs d'avoir une feuille de route claire", a justifié le Premier ministre en engageant à nouveau la responsabilité du gouvernement. LFI répondant par une deuxième motion de censure.
La ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin a elle défendu "une première étape" dans le rétablissement des comptes, estimant que le déficit de la Sécu sera "supérieur à 22 milliards d’euros" en 2025.
"Le texte que nous allons adopter ne règle aucun des problèmes structurels de nos comptes publics et de nos comptes sociaux", a alerté le rapporteur général Thibault Bazin, élu du parti de droite Les Républicains (LR).
"Jamais depuis 15 ans, les comptes de la sécurité sociale n'ont connu un tel niveau de déficit à l'exception de l'année 2020, année du pic de la pandémie", a abondé le président de la commission des Affaires sociales Frédéric Valletoux (Horizons).
François Bayrou pourrait encore recourir deux fois cette semaine au 49.3 sur d'autres pans de ce projet de budget de la Sécurité sociale, en espérant par la suite une adoption conforme au Sénat autour des 17-18 février.
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Par Stéphanie LEROUGE, Sami ACEF et Camille MALPLAT / Paris (AFP) / © 2025 AFP