La campagne de vaccination anti-Covid-19 est-elle précipitée ? Les Français sont un peu perplexes, divisés, entre espoir et questions face à la future vaccination contre le Covid-19. Le 29 décembre, l’agence européenne du médicament va se prononcer sur l’autorisation des deux premiers vaccins disponibles, ceux des laboratoires Pfizer et Moderna. Est-ce le temps de procéder à d’autres essais, d’en analyser les effets ?
"Une procédure centralisée qui concerne tous les pays"
"L’industriel va déposer des dossiers dans différentes agences, aux États-Unis, en Angleterre, en Europe, décrypte Jean-François Saluzzo, virologue, consultant en virologie et en développement de vaccins auprès de l'OMS. Nous n’avons pas la chronologie à ce sujet. Ils ont pu être déposés en Angleterre avant l’Europe. Concernant l’Europe, nous avons une procédure centralisée qui concerne tous les pays. C’est déjà en soi extraordinaire : avant, les industriels devaient déposer autant de dossiers qu’il y avait de pays. Cela va quand même très vite ; d’habitude, il faut plusieurs mois. L’agence va analyser toutes les informations fournies par l’industriel, mais il est possible que des contacts aient été pris depuis longtemps. Les Anglais ont déjà donné leur accord, les autres vont très probablement suivre."
Certains professeurs ont toutefois des réserves, estimant ne disposer que de données commerciales et non scientifiques sur les essais de phase 3. "C’est vrai que le grand public ne connaît que des données commerciales, reconnaît Jean-François Saluzzo. Mais les agences ont des dossiers extrêmement détaillés. Un dossier soumis à une agence, ce sont des milliers de pages. Tout ceci n’est pas porté à la connaissance du grand public. Il faut regarder si la chaîne de production, la traçabilité des matières premières répond aux normes pharmaceutiques. C’est normal qu’il y ait une différence très nette entre la communication à caractère financier, il faut le reconnaître, et ce que les agences sont en train de faire."
"On utilise la technologie de l’ARN messager"
Est-ce prudent de commencer par vacciner les habitants des Ehpad, par définition aux défenses immunitaires plus faibles ? "Ce ne sont pas des virus, mais des informations génétiques, des ARN. Il n’y a aucun risque que cet ARN puisse induire une maladie infectieuse du type Covid. Cela aurait été le cas avec un vaccin vivant atténué, sur les immunodéprimés, les sujets ayant un système immunitaire affaibli. Là, rien à voir, c’est vraiment de la chimie. On utilise la technologie de l’ARN messager, qui diffère des vaccins classiques, en inactivant ou modifiant un virus, capable de se multiplier sans donner la maladie. On utilise uniquement l’information génétique qui nous intéresse, on considère que la protéine de surface est suffisante pour protéger. En utilisant un messager, la cellule va produire cette protéine en surface, que l’organisme va reconnaître comme étranger et développer des anticorps."
En tant que virologue, croit-il à une vaccination au printemps ? "En tant que virologue, je suis très confiant. Point très important, les techniques de production de ces vaccins à base d’ARN messager sont très productives. Cela veut dire qu’on est capable de produire des centaines de millions de doses, ce qui n’est pas le cas quand on parle de produire un vaccin à base de virus inactivé, comme en Chine. Avec ces vaccins ARN, on est peut-être à l’aube d’une révolution industrielle. Mais il faut rester prudent, car nous n’avons pas de visibilité sur l’efficacité à long terme."
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