Mauricette, âgée de 78 ans, résidente en Ehpad à Sevran, en région parisienne, a été la première Française à se faire vacciner contre la Covid-19 dimanche 27 décembre 2020, lançant officiellement la campagne de vaccination. Emmanuel Macron, sur Twitter, a salué une "nouvelle arme" pour lutter contre le virus.
Jacques Battistoni, président du syndicat des médecins généralistes MG France, et Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, sont les invités de Benjamin Glaise le 28 décembre 2020 pour débattre de l’importance du vaccin pour lutter contre la Covid-19… et de son efficacité pour mettre un terme à la pandémie.
Première vaccination en France : "C’est plus qu’un symbole"
Pour Florence Arnaiz-Maumé, la vaccination de Mauricette était "un symbole, parce que c’était un jour historique". "C’est plus qu’un symbole puisque cette première semaine permet de tester le dispositif", souligne la déléguée générale du Synerpa (Syndicat National des Établissements et Résidences Privés pour Personnes Âgées). "Dès la semaine prochaine, une petite centaine d’établissements sera en position, pour le 4 janvier, pour passer à la vaccination", souligne-t-elle en précisant que "vers le 10-15 janvier, c’est 7.000 Ehpad qui devront commencer véritablement" à vacciner leurs résidents et leur personnel. Il faudra toutefois attendre "fin février" pour que l’ensemble des structures soient opérationnelles à 100% et aient terminé la vaccination, cette dernière nécessitant deux injections à près d’un mois d’intervalle.
"La perspective d’une troisième vague est presque insoutenable"
La déléguée du Synerpa tient à souligner qu’à Noël, il n’y a pas de vacances pour le personnel et qu’au contraire le travail s’est intensifié avec la préparation de cette campagne de vaccination. "On a commencé à travailler autour de la campagne vaccinale fin novembre début décembre", explique-t-elle. "Les protocoles Noël en Ehpad étaient très attendus des familles", dont la nouvelle organisation "assouplie pour les fêtes de fin d’année". "Et sur ces entre-faits, la campagne vaccinale" est venue s'ajouter. C'est "un travail différent" pour Florence Arnaiz-Maumé, notamment car elle "n’a rien à voir avec le traumatisme qu’on vécu toutes les équipes" lors de la première vague et de la deuxième vague. "La perspective d’une troisième vague est presque insoutenable pour les équipes" ce qui explique que "c’est quand même le coeur vaillant" que le personnel se lance dans cette campagne vaccinale.
Vaccin anti-Covid : "On nous demande notre avis à chaque consultation pratiquement"
Le vaccin anti-covid reste entouré de questions pour les Français, comme le souligne Jacques Battistoni, président du syndicat des médecins généralistes MG France. "On nous demande notre avis à chaque consultation pratiquement", explique le médecin. "Tous nos patients qui présentent des maladies chroniques" ainsi que les seniors, "nous posent la question du vaccin". Leurs inquiétudes tournent autour de savoir si "l’épidémie va continuer" et ils veulent avoir l’avis de leur médecin : "qu’est-ce que vous pensez du vaccin ?", demandent ses patients à Jacques Battistoni.
"Le rapport bénéfice-avantage sur danger est bien supérieur"
"Vacciner les gens n’est pas quelque chose de très difficile en soi", bien que quelques problèmes techniques puissent survenir du fait des "conditions particulières" de stockage, par exemple, explique le président de MG France. Toutefois, "l’élément fondamental, c’est de convaincre ; de convaincre les gens, de convaincre la population, et en premier lieu les personnes âgées résidentes en Ehpad, que le vaccin est quelque chose qui est bon pour elles". Il souligne que "le rapport bénéfice-avantage sur danger est bien supérieur". "On doit les inciter à se faire vacciner", explique Jacques Battistoni. "Notre travail de médecins généralistes c’est d’être auprès de ces patients, d’aller les rencontrer rapidement, le plus vite possible" pour les convaincre et pour que les Ehpad "puissent commander les vaccins".
"Le planning s’est un tout petit peu étiré dans le temps"
La vaccination va d’abord se concentrer sur les seniors et les personnes fragiles, avant d’être accessible à l’ensemble de la population. "Le planning s’est un tout petit peu étiré dans le temps", explique le médecin. "Grosso modo, la première période va durer jusqu’à la fin du mois de février" et concernera les Ehpad. "Elle va se chevaucher avec l’arrivée, pour les personnes qui résident à domicile, en ambulatoire, les plus de 75 ans notamment, du vaccin Moderna", ce dernier n’ayant pas encore été autorisé au niveau européen ou français.
"Le recueil du consentement en Ehpad est une question très importante"
La vaccination n’est pas obligatoire en France, le gouvernement ayant tenu à respecter la liberté de choix des Français. Une stratégie qui risque toutefois de compliquer la vaccination, notamment en Ehpad. "Le recueil du consentement en Ehpad est une question très importante", souligne Florence Arnaiz-Maumé. Si certains résidents peuvent donner "un consentement libre et éclairé" d’eux-mêmes, la déléguée générale du Synerpa explique que dans les Ehpad il y a "50 % à 60 % de résidents qui peuvent avoir des difficultés voire ne pas pouvoir du tout donner un consentement libre et éclairé". Pour résoudre ce problème, la Haute Autorité de Santé a déclaré que "la famille" pouvait donner ce consentement. "On a un dispositif légal qui est soit le tuteur, mais il y en a très peu en Ehpad, soit la personne de confiance" qui peuvent être interrogées "en primo-intention" pour recueillir l’autorisation de vacciner. L’avis de la famille sera demandé si ces deux dispositifs n’existent pas, tout comme "le médecin traitant".
Cette situation n’inquiète pas la déléguée générale du Synerpa qui estime que "c’est la vie courante" dans les Ehpad que la nécessité de gérer l’impossibilité de recueillir un avis éclairé des résidents eux-mêmes. "Nos établissements, depuis plusieurs années maintenant, ont une population qui est exclusivement, quasiment, de personnes Alzheimer." Cette particularité fait que "nous savons à quel moment la personne peut encore donner un consentement libre et éclairé."
"Sans consentement, on ne vaccine pas"
Les Français restent toujours très divisés sur le vaccin, avec plus de 40 % des interrogés durant les sondages qui ne comptent pas se faire vacciner. En Ehpad, "nous avons eu beaucoup de discussions, durant le mois de décembre, beaucoup de remontées de questions" de la part des familles et des résidents. Toutefois, "les recueils de consentements se sont faits assez facilement", explique Florence Arnaiz-Maumé. "On arrive à 50% 60% de consentement", et donc "très peu, finalement, de personnes qui refusent" ; si les Ehpad continueront "à faire de la pédagogie", elle explique que "c’est vraiment un choix personnel". "Sans consentement, on ne vaccine pas."
"Les inquiétudes sont légitimes"
Les effets secondaires et la nouvelle technologie utilisée pour le développement du vaccin Pfizer/BioNTech, le premier à être disponible, à savoir l’ARNmessager, font partie des inquiétudes les plus répandues chez la population française. "Les inquiétudes sont légitimes", déclare Jacques Battistoni, "dans la mesure où il s’agit d’un nouveau vaccin". "Un vaccin c’est un médicament", souligne-t-il. Si le vaccin est effectivement nouveau, "il s’appuie sur des technologies, notamment celle de l’ARNmessager, qui ne sont pas nouvelles, elles". La rapidité du développement du vaccin est liée à l’expérience accumulée avec les années, notamment car "le coronavirus est un virus connu" pour lequel certains vaccins avaient déjà été testés. Il rappelle également que les laboratoires ont testé le vaccin sur "près de 40.000 personnes" pour le seul vaccin Pfizer. Les effets secondaires existent mais "ils apparaissent relativement tôt" lorsqu’ils se produisent. "Sauf événement, il ne devraient pas y avoir d’effets secondaires autres", rassure le médecin.
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