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Coups, insultes, morsures... et alcool: à Draguignan, le quotidien des violences conjugales

Chaque premier vendredi du mois, une audience du tribunal correctionnel de Draguignan est réservée aux affaires toujours plus nombreuses de violences intrafamiliales, offrant une plongée express et sans fard dans des intimités cabossées, avec l'alcool comme compagnon de route.

PATRICK HERTZOG - AFP/Archives

Chaque premier vendredi du mois, une audience du tribunal correctionnel de Draguignan est réservée aux affaires toujours plus nombreuses de violences intrafamiliales, offrant une plongée express et sans fard dans des intimités cabossées, avec l'alcool comme compagnon de route.

Le parquet de cette ville varoise a traité plus de 1.500 affaires de ce type en 2023, chiffre dépassé dès novembre cette année. Un tiers des dossiers sont vite clos et un tiers font l'objet d'alternatives aux poursuites. L'audience mensuelle n'absorbe qu'une petite partie de ceux jugés, tandis que les plus graves passent en comparution immédiate.

Il est 13H30, prévenus et victimes s'installent en silence. Plus détendus, les avocats s'interpellent et plaisantent.

Cédric (tous les prénoms ont été changés), militaire de 42 ans, se présente à la barre face à la juge Isabelle Laurent, qui lit d'une voix neutre les éléments du dossier sur son ordinateur.

En juin, après "sept ou huit verres de rosé", il a mordu l'index que son épouse pointait vers lui. Lui dit avoir réagi par réflexe, elle dénonce des insultes répétées.

L'examen de l'affaire dure 30 minutes, plaidoiries et réquisitoire compris, et la juge décide dans la foulée: Cédric devra suivre à ses frais un stage de sensibilisation aux violences au sein du couple.

Puis vient Nassim, 31 ans, dénoncé par sa belle-mère. Gifles et insultes pour sa femme Audrey ? Fessées à ses filles ? Sur le banc des parties civiles, Audrey secoue vivement la tête: "Ma mère est dépressive, elle dit n'importe quoi."

Oui, il y a eu des fessées "éducatives" et les insultes pleuvaient. "Les mots habituels : pute, crasseuse, nulle", intervient la juge. Mais pas les coups. Battue par un précédent compagnon, Audrey assure pouvoir faire la différence et fond en larmes à l'évocation de sa fausse couche quand elle s'est retrouvée seule avec leurs trois petites filles.

- Détresse de Camille -

Comme tout au long de l'après-midi, le procureur Guy Bouchet alterne entre humour pince-sans-rire avec les avocats et pédagogie envers les prévenus: "Donner un coup, quel qu'il soit, c'est de la violence et ça n'est jamais le règlement d'une situation de crise".

Nassim écope de deux stages - violences conjugales et responsabilisation parentale - et va regagner le domicile.

Sébastien, 41 ans, alcoolique et dépressif, a déjà passé plusieurs années en prison pour avoir provoqué un accident mortel en état d'ivresse. Il est là pour des violences sur son ex-femme et sur leur fille Camille entre 2020 et 2023 et pour un flot de messages de menaces contre son ex en début d'année.

Il écoute, tête basse. Au-delà des faits, qu'il reconnaît sans réserve, c'est surtout la détresse de Camille qui occupe les esprits. Elle a 15 ans et "va très mal", témoigne l'administrateur chargé de la représenter. "Je passe des nuits blanches au téléphone avec elle", raconte Sébastien, en larmes.

Avocats, procureur et juge le pressent de remonter la pente pour sa fille. Il est condamné à huit mois de prison avec sursis probatoire, les stages habituels et une obligation de soins.

Mélissa, 27 ans, et Ludovic, 21 ans, sont poursuivis pour violences réciproques. Ils se sont rencontrés en région parisienne. Tombée enceinte, elle a tout quitté pour le rejoindre dans le sud mais lui n'était pas très investi.

Il dénonce ses coups, son contrôle permanent et son penchant pour l'alcool. Elle évoque une dépression post-partum, des propos insultants, des mensonges à répétition, des rapports sexuels violents, des griffures... Elle est condamnée à trois mois de prison avec sursis et à un stage. Il est relaxé.

- "Rhum à volonté" -

La salle se vide peu à peu, l'heure est aux affaires sans avocat. Didier, 33 ans, s'en est violemment pris à son ex-femme Julia sur un parking. C'est elle qui le défend: "On était fous l'un de l'autre. Je pensais que notre amour allait le sortir de ses problèmes d'alcool (...). Après m'avoir perdue, je voudrais qu'il puisse garder sa fille".

Didier assure ne plus boire mais reconnaît avoir suspendu ses visites chez le psychologue: "C'est remboursé seulement à 60% et j'étais au chômage". Trois mois de prison avec sursis et une obligation de soins.

Jérémy, 26 ans, a voulu forcer sa compagne Marlène, enceinte de huit mois, à aller danser après une soirée "rhum à volonté". Malgré les hématomes constatés à l'hôpital, elle minimise et demande qu'il revienne à la maison auprès de leur bébé. Après 17 minutes d'audience, il est condamné à suivre un stage.

L'examen des deux dernières affaires est encore plus rapide: les prévenus ne se sont pas présentés.

Andy, 26 ans, déjà condamné pour des violences en 2021, a roué de coups son ex-compagne cet été. "Il donne l'explication habituelle: il a voulu maîtriser madame", raille la juge avant de le condamner à un an de prison ferme. Une femme s'avance: "C'est mon fils, il le mérite", dit-elle en indiquant le restaurant où la police pourra le trouver.

La salle est désormais vide. Medhi, 45 ans, convoqué pour des coups sur sa compagne un soir de cuite, a écrit pour expliquer que sa commune est isolée et qu'il n'a pas le permis de conduire. "Il n'a pas de casier mais elle est très abimée", commente la juge. Six mois ferme.

Il est 18H30, la journée est finie. "Ces audiences, ça assomme", commente la juge.

Par Fanny CARRIER / Draguignan (AFP) / © 2024 AFP

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