"Attention parce que là tu as "ES", donc ça correspond à quelle personne, "ES" ?". Au Secours catholique, la leçon du jour est centrée sur la conjugaison du verbe "acheter". Résidant en France depuis dix ans, Maliksavita n’avait jamais eu de cours de français, ce qui l’handicape grandement. Avec la présentation hier par Édouard Philippe du volet "humaniste" de la loi asile et immigration, l’une des lois les plus controversées du quinquennat d’Emmanuel Macron jusqu’à présent, ces cours de français aux réfugiés seront développés. Entre 100, 200, 400 voire même 600 heures de cours seront ainsi proposés à tous ceux qui obtiennent l'asile.
Pour Maliksavita, originaire du Bangladesh, c’est en tout cas une aubaine à saisir. "Pour les rendez-vous, pour le bébé à la crèche, pour le travail, là je fais 15 mois d’école et ensuite je pourrai bien parler. Cette école, c’est bien, et le professeur est bon", assure-t-elle à Sud Radio. Son professeur, Patrick, rappelle l’objectif principal de ces sessions. "Ce n’est pas d’apprendre le français, mais de mettre en situation ces personnes dans tous les actes de la vie courante : aller chez le médecin, prendre le bus, chercher un logement, chercher un emploi, etc.", explique-t-il.
"La langue française ne devrait pas être un critère pour décider qui a le droit de rester"
Coordinatrice de cette antenne parisienne du Secours catholique, Hélène Ceccato souligne, elle, l’intention de personnaliser ces cours. "C'est plutôt une bonne chose que d’essayer de s’adapter au passé scolaire des migrants et de proposer plus d’heures de français à ceux qui en ont le plus besoin", admet-elle. Mais elle déplore le périmètre restreint du dispositif, qui ne s’appliquera qu’aux migrants ayant obtenu le droit d’asile. "Ce qu’on considère très important au Secours catholique, c’est aussi de prendre en considération que la maîtrise de la langue française ne devrait pas être un critère pour décider qui a le droit de rester en France ou pas. Elle devrait concerner toutes les personnes, notamment des personnes qui sont en France depuis très longtemps, qui n’ont pas pu apprendre correctement le français quand elles sont arrivées, et qui souhaitent mieux parler français maintenant qu’elles sont plus disponibles. Les préconisations et orientations actuelles du gouvernement ne s’adressent pas à ces personnes en situation régulière depuis longtemps", regrette-t-elle.
Un reportage de Charles Bonnaire