La France manque de beurre depuis plusieurs semaines maintenant. Une raréfaction de la motte de beurre dans les étals qui s’expliquerait par une hausse soudaine de la demande, notamment en provenance de Chine. Productrice de lait et secrétaire générale de la Coordination Rurale (deuxième syndicat agricole), Véronique Le Floch pointe, elle, les industriels et la grande distribution qui ne joueraient pas le jeu en restant très opaques sur leur stock de beurre.
"On est pris à la gorge et on se dit qu’on se fout de nous ! Si le consommateur a vu les prix du beurre augmenter, nous producteurs n’avons encore rien vu ! Ça fait quand même plus de deux ans que cette crise dure. Les prix payés sont ridiculement bas, ce sont des prix d’il y a trente ans qui ne permettent plus de tirer un salaire, aussi bas soit-il. On ne fait pas venir les vétérinaires, on se passe de contrôles de machines à traire, on se passe de beaucoup de choses… On vit une situation dramatique, et au final c’est le désarroi et le manque de motivation qui s’installent dans nos campagnes", déplore-t-elle au micro de Sud Radio.
"Je suis allé me dépanner dans un supermarché à côté"
Pour Jean-Paul Rivière, président de la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne, ce n’est pas tant une question de pénurie mais de prix, avec la grande distribution qui en profite, à l’inverse des consommateurs et des producteurs laitiers. "Pour les boulangers et surtout les pâtissiers, le prix du beurre a beaucoup augmenté. Mais ils ne parlent pas de manque de beurre. Ils ont donc du beurre, il faut qu’ils le payent plus cher. La grande distribution n’accepte pas d’augmenter les prix, parce qu’augmenter les prix signifie diminuer ses marges. Elle préfère dire qu’il n’y a plus de beurre et donc elle n’achète pas. Ce sont des histoires de gros sous entre les transformateurs et les industriels. Comme toujours, ce sont le producteur de base et le consommateur qui en pâtissent", accuse-t-il.
Au-delà des producteurs, les boulangers subissent eux aussi cette situation, comme l’explique Sahad, boulanger dans le 15e arrondissement de Paris. "Il y a une journée où je n’ai pas été en mesure de fabriquer mes brioches. Je suis allé me dépanner dans un supermarché à côté, on a pris les quelques kilos de beurre qu’on a pu prendre, pour faire face et patienter jusqu’au lendemain qu’on vienne nous livrer ceux qu’on avait demandés", raconte-t-il.
Pour lui, l’origine de cette pénurie est même suspecte. "Quand on discute entre confères, on a même des doutes. Même si la demande a effectivement augmenté, il y a peut-être aussi une pénurie organisée au niveau des industriels. Ceux qui ont la capacité de s’accaparer le beurre le stockent et font flamber le prix", assure-t-il.
Propos recueillis par Benjamin Glaise.