Une course contre la montre est engagée à Mayotte pour venir en aide aux sinistrés de cet archipel français de l'océan Indien dévasté par un cyclone meurtrier, où l'eau et la nourriture manquent et l'hôpital est très endommagé, et tenter de retrouver des survivants dans les décombres des bidonvilles.
"La situation est un désastre", se désole auprès de l'AFP Yves Michel Daunar, directeur de l’Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM). "Compte tenu de l'habitat ici, tout est par terre", constate-t-il.
"J'ai vu des personnes qui ont le regard dans le vide [...]. On est sur une autre planète", ajoute-t-il.
Les ministres démissionnaires de l'Intérieur et des Outre-mer Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, ainsi que leur collègue mahorais Thani Mohamed Soilihi (secrétaire d'Etat chargé de la francophonie et des partenariats internationaux) sont arrivés lundi matin dans le département le plus pauvre de France, où les autorités redoutent "plusieurs centaines" de morts, peut-être "quelques milliers".
Un bilan final sera "très difficile" à établir car la tradition musulmane, très ancrée à Mayotte, veut que les défunts soient enterrés "dans les 24 heures", a expliqué dimanche soir le préfet François-Xavier Bieuville.
"Tous les bidonvilles sont couchés, ce qui laisse augurer un nombre considérables de victimes", a commenté auprès de l'AFP une source proche des autorités. Mayotte compte officiellement 320.000 habitants, "mais on estime qu'il y a 100.000 à 200.000 personnes de plus, compte tenu de l'immigration illégale", a ajouté cette source, qui estime que peu d'habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d'hébergement avant le passage du cyclone, "sans doute de peur d'être contrôlés".
Emmanuel Macron présidera une réunion au centre interministériel de crise du ministère de l'Intérieur lundi à 18H00.
François Bayrou, qui se rendra lundi soir à Pau, dont il est maire, pour présider un conseil municipal, avec l'idée de conserver son mandat en même temps que d'être Premier ministre, suivra ce conseil à distance.
Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, le cyclone Chido - le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans - a ravagé samedi le petit archipel où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.
Chido a probablement été favorisé par des eaux de surface proches de 30°C dans la zone, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène de réchauffement climatique observé également dans l'Atlantique Nord et le Pacifique. L'impact du cyclone à Mayotte a surtout été exceptionnel parce que son oeil a frappé directement les terres.
Cases anéanties, toits en tôle envolés, poteaux électriques à terre, arbres arrachés... Les habitants, confinés pendant le passage du cyclone, ont découvert, sidérés, des scènes de chaos. De nombreuses routes sont impraticables et beaucoup de communications toujours coupées.
"C'est un peu de la folie, on est complètement coupé du monde", témoigne à l'AFP Antoy Abdallah, un habitant de Tsoundzou. "On n'a accès à aucune information. On n'a ni la radio, ni internet, ni le téléphone", se désole l'homme de 34 ans.
La situation du système de soins est "très dégradée" avec un hôpital "très endommagé" et des centres médicaux "inopérants", a déclaré la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq.
La tour de contrôle de l'aéroport de Mayotte-Dzaoudzi a subi de gros dégâts. La reprise des vols commerciaux n'est pas envisagée avant "au mieux dix jours", a indiqué lundi à l'AFP une source préfectorale.
- "Eviter les pillages" -
"Maintenant, il faut gérer les urgences. Rétablir l'eau et l'électricité" insiste Youssouf Ambdi, maire de Ouangani, auprès de l'AFP.
"Les gens vont chercher de l'eau à la rivière, on est revenu 40 ans en arrière", ajoute l'élu de 45 ans. "Si on n'agit pas vite, c'est un drame sanitaire qui va se jouer".
"On survit", indique Yves Michel Daunar. "La préfecture n'est plus debout, une bonne partie de l'hôpital est par terre, le conseil général est par terre. C'est apocalyptique."
Un pont aérien et maritime est déployé depuis l'île de La Réunion, territoire français distant de 1.400 km à vol d'oiseau, pour envoyer du matériel et des personnels médicaux et de secours. Un total de 800 personnels de la sécurité civile, qui dispose d'un avion Dash, sont envoyés en renfort, avec un hôpital de campagne.
Selon la Croix-Rouge française, 20 tonnes de matériel sont en train d'être acheminées depuis La Réunion.
Le dispositif de soutien s'appuie en outre sur trois avions et deux navires militaires, selon l'état-major des armées.
Les secouristes s'attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles très peuplés, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou, a dit le maire de la ville Ambdilwahedou Soumaila.
"Certains de mes voisins ont déjà faim et soif", se désole Lucas Duchaufour, un kinésithérapeute vivant à Labattoir, une commune de l'île de Petite-Terre.
Des habitants évoquent un climat d'insécurité, avec des scènes de pillages dans la zone industrielle de Kawéni à Mamoudzou, comme l'a rapporté à l'AFP Frédéric Bélanger, 52 ans.
"Les pillages, c'est ce que tout le monde craint, surtout les gens dont les maisons sont éventrées" a confié à l'AFP Tanya Sam Ming, habitante de la périphérie de Mamoudzou.
Quelque 1.600 policiers et gendarmes sont mobilisés sur le terrain notamment pour "éviter les pillages", selon le préfet.
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Par Jéromine DOUX, Thibault MARCHAND, avec Sylvie MALIGORNE à Paris / Saint-Denis de la Réunion (AFP) / © 2024 AFP