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Dans la crise avec Paris, un seul coupable selon Alger: le ministre français de l'Intérieur

Déjà tendues, les relations entre l'Algérie et la France viennent de connaître une brusque poussée de fièvre dont Alger attribue avec insistance l'"entière" responsabilité au ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau.

Ludovic MARIN - AFP

Déjà tendues, les relations entre l'Algérie et la France viennent de connaître une brusque poussée de fièvre dont Alger attribue avec insistance l'"entière" responsabilité au ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau.

Le ministère algérien des Affaires étrangères a fustigé par communiqué l'attitude "affligeante" du ministre, l'accusant de "barbouzeries à des fins purement personnelles".

Figure de la droite française et en campagne pour prendre la tête du parti Les Républicains, ce dernier s'est fait le porte-voix d'une ligne de fermeté face à l'Algérie, notamment sur les questions migratoires.

"Il n'y a pas d'affaire Retailleau", a déclaré mercredi la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, ajoutant que le ministre était "totalement indépendant" de la procédure judiciaire à l'origine de la nouvelle brouille entre Paris et Alger.

C'est l'arrestation d'un agent consulaire algérien, accusé de l'enlèvement d'un influenceur algérien exilé en France, qui a mis le feu aux poudres après un début d'accalmie.

Alger a expulsé 12 agents français en rétorsion, ce à quoi Paris a répliqué en renvoyant 12 agents consulaires algériens et en rappelant pour consultations l'ambassadeur de France à Alger.

- "Torpiller"-

La crise a commencé l'été dernier, après l'annonce par Paris d'un soutien renforcé à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, où Alger épaule les indépendantistes du Front Polisario.

L'Algérie a alors retiré son ambassadeur à Paris.

L'auteur franco-algérien Boualem Sansal, le 4 septembre 2015 à Paris

L'auteur franco-algérien Boualem Sansal, le 4 septembre 2015 à Paris

Joël SAGET - AFP/Archives

Depuis, d'autres affaires ont envenimé la relation bilatérale, comme l'arrestation en novembre en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal et des bisbilles sur l'immigration.

Avec une constante: les critiques d'Alger contre Bruno Retailleau, accusé de vouloir "torpiller" les relations avec Paris.

Depuis qu'il est ministre, M. Retailleau "a ciblé de façon très singulière l'Algérie", instaurant "un bras de fer" avec ce pays, explique l'enseignant en géopolitique Adlene Mohammedi.

Le pouvoir algérien s'en est saisi pour en faire à son tour "une cible", ajoute-t-il.

"Une manière de ne pas (viser) l'ensemble de l'Etat français" et "de se conserver une espèce de marge de manoeuvre" pour dire: "on veut maintenir un canal de discussion avec l'Elysée et le Quai d'Orsay, mais tout ce qui a trait au ministère de l'Intérieur nous pose problème", poursuit-il.

De fait, un échange téléphonique le 31 mars entre les présidents algérien et français, Abdelmajid Tebboune et Emmanuel Macron, avait laissé espérer une réconciliation.

L'ex-ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi s'interroge sur X quant à la distinction faite par "une partie de (ses) compatriotes" entre MM. Retailleau et Macron.

Il ne croit pas "à une divergence de fond" entre les deux hommes "mais plutôt à une distribution avisée des rôles", en mode "good cop, bad cop".

- "Ligne dure" -

Le chercheur en relations internationales Abdellah Akir juge également "difficile de dire que Retailleau agit seul, sans l'approbation du président".

Que l'Algérie tienne à blâmer M. Retailleau est "un message au président français afin qu'il prenne la mesure qu'il jugera appropriée pour démanteler les mines posées par le ministre sur le chemin de l'apaisement", assure à l'inverse M. Akir.

Pour le président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, Bruno Fuchs, "en Algérie, la position vis-à-vis de la France n'est pas homogène".

Il y a "d'un côté les tenants de la ligne du dialogue, de l'autre les tenants d'une ligne extrêmement dure (qui) essaient de torpiller le retour à une normalisation", dit-il.

Une hypothèse plausible, selon Adlene Mohammedi, même si le système algérien fait selon lui en sorte d'être "illisible".

La relation franco-algérienne se remettra-t-elle de ces soubresauts ?

Sans vouloir se montrer trop optimiste, M. Mohammedi pense "que les deux pays n'ont pas intérêt à une rupture totale" et qu'un dialogue peut "reprendre".

Un "éloignement" définitif n'est pas envisageable, pense également Ismail Maarraf, professeur de sciences politiques à Alger.

"Les intérêts stratégiques élevés entre les deux pays et la sensibilité des dossiers qui n'apparaissent pas en public font que l'on n'exclut pas un retour prochain des relations à la normale", selon l'expert.

Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a assuré mercredi que même si Paris a répliqué "avec fermeté" aux décisions algériennes, il faudra "à terme" reprendre le dialogue "dans l'intérêt des Français".

Par Abdelhafid DAAMACHE / Alger (AFP) / © 2025 AFP

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