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Dans le froid hivernal, l'ultra-précarité des migrants à Calais

Dans un hangar désaffecté à Calais, des dizaines de tentes s'entassent dans l'obscurité. Dehors, les déchets s'amoncellent et des vêtements détrempés pendent aux grilles. Il fait à peine quelques degrés, et un vent humide s'infiltre dans ce campement de migrants.

Sameer Al-DOUMY - AFP

Dans un hangar désaffecté à Calais, des dizaines de tentes s'entassent dans l'obscurité. Dehors, les déchets s'amoncellent et des vêtements détrempés pendent aux grilles. Il fait à peine quelques degrés, et un vent humide s'infiltre dans ce campement de migrants.

Lorsque les températures chutent, la précarité des migrants sur le littoral du nord de la France, qui attendent de rejoindre l'Angleterre, devient encore plus critique.

Ali-Ibrahim Adam, un Soudanais de 28 ans, vit dans cet endroit qu'il surnomme "la jungle" depuis six mois.

"La situation humanitaire est difficile. La pluie, le froid, certains n'ont pas de couverture, ni quoi que ce soit pour se chauffer, pas même de manteaux. Les gens souffrent du froid", témoigne-t-il, dans sa fine doudoune.

Lorsque le plan "grand froid" est activé, la préfecture du Pas-de-Calais ouvre des hangars chauffés, équipés de lits de camp et de sacs de couchage. Depuis le 1er décembre, ce dispositif "exceptionnel", qui permet d'héberger environ 500 migrants au total, a été ouvert quinze nuits, explique à l'AFP Agathe Cury, la sous-préfète de Calais.

Les migrants peuvent aussi dormir dans des Centres d'accueil et d'évaluation des situations (CAES) ouverts toute l'année. Mais l'éloignement de ces sites du littoral dissuade de nombreux migrants, qui veulent rester à proximité des points de passage vers le Royaume-Uni.

- Dispositifs "insuffisants" et "dysfonctionnels" -

Pour Médecins sans frontières (MSF), ces dispositifs d'État sont "insuffisants" et "dysfonctionnels". Dans un communiqué publié mardi, l'ONG appelle l'État à leur fournir un hébergement d'urgence "en continu", et "au moins jusqu'à la fin de l'hiver".

Un entrepôt abandonné, où des migrants s'abritent pendant les mois d'hiver, à Marck, près de Calais, dans le Pas-de-Calais, le 24 janvier 2025

Un entrepôt abandonné, où des migrants s'abritent pendant les mois d'hiver, à Marck, près de Calais, dans le Pas-de-Calais, le 24 janvier 2025

Sameer Al-DOUMY - AFP

En réponse aux "défaillances de l'État", MSF a mis en place son propre dispositif d'hébergement d'urgence: depuis le 2 décembre et jusqu'au 31 mars, l'ONG loue dix chambres dans un hôtel du centre-ville de Calais, offrant 29 places pour héberger des familles, des enfants, des femmes enceintes et des mineurs non accompagnés.

Najma, 13 ans, originaire de Somalie, a trouvé refuge dans cet hôtel avec sa famille.

"J'ai dormi dehors pendant quatre jours. Il faisait très froid, et l'endroit où nous dormions n'était ni propre, ni chauffé", raconte-t-elle à l'AFP, assise dans un fauteuil de la salle commune. "Ici, c’est propre, on peut manger, boire du thé, et il ne fait pas froid", ajoute l'adolescente en anglais.

"Le mois de janvier est particulièrement froid. Il y a des maladies, c'est la première fois que nous tombons malades à cause de la météo, nous avons attrapé une grippe", explique Mohammad, 44 ans, originaire de Syrie.

A Calais, les personnes "survivent dans des conditions indignes et inhumaines", dénonce Feyrouz Lajili, coordinatrice MSF à Calais.

"Les dispositifs mis en place par l'État ne sont pas suffisants, ils sont rapidement saturés et difficiles d'accès", ajoute-t-elle. Par ailleurs, "le plan grand froid n'est activé qu'en pointillé. En décembre, il n'a pas été activé, malgré les températures très basses, voire négatives".

- Le rêve de l'Angleterre, coûte que coûte -

Les autorités justifient ces mesures restreintes par la volonté de ne pas encourager l'installation des migrants sur le littoral.

Un entrepôt abandonné, où des migrants s'abritent pendant les mois d'hiver, à Marck, près de Calais, dans le Pas-de-Calais, le 24 janvier 2025

Un entrepôt abandonné, où des migrants s'abritent pendant les mois d'hiver, à Marck, près de Calais, dans le Pas-de-Calais, le 24 janvier 2025

Sameer Al-DOUMY - AFP

"L'objectif de l'État n'est pas de leur faciliter le passage de l'autre côté de la Grande-Bretagne. Il serait insensé que nous déployions autant d'efforts sur le littoral pour sauver des vies en leur évitant de prendre les bateaux et de les loger à proximité de là même où les passeurs vont œuvrer", justifie la sous-préfète. Environ 750 migrants vivent actuellement dans le Calaisis, selon elle.

Cependant, selon les associations d'aide aux migrants, ces craintes sont infondées.

"Les conditions indignes n'empêchent pas les personnes de venir sur le littoral et de tenter la traversée très dangereuse vers le Royaume-Uni", soutient Feyrouz Lajili.

Najma et sa famille n'ont ainsi "qu'une option": atteindre le Royaume-Uni pour "avoir une éducation, une vie meilleure et en sécurité", confie la jeune fille.

"S'il m'arrive quelque chose ou si je meurs sur le chemin, ce sera mieux que la vie que je vis ici", conclut Hussein, 27 ans, originaire du Koweït, dont l'épouse a failli se noyer lors d'une tentative de traversée maritime quelques jours plus tôt.

Par Zoé LEROY et Sameer AL-DOUMY / Calais (AFP) / © 2025 AFP

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