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Dans les lycées, des portiques pas considérés comme la panacée

Des grilles grandes ouvertes aux heures de pointe, mais un tourniquet avec badge le reste du temps: au lycée Montebello de Lille comme ailleurs, ce système de contrôle apparaît plus comme un élément de sécurisation parmi d'autres que comme la panacée.

Sameer Al-DOUMY - AFP

Des grilles grandes ouvertes aux heures de pointe, mais un tourniquet avec badge le reste du temps: au lycée Montebello de Lille comme ailleurs, ce système de contrôle apparaît plus comme un élément de sécurisation parmi d'autres que comme la panacée.

Après l'attaque au couteau jeudi dans un lycée de Nantes, dans laquelle une adolescente a été tuée par un élève du même établissement, "je pense qu'il y a pas mal de lycéens qui se sont dit +Et si c'était moi?+", confie à l'AFP Adrien, en terminale à Montebello.

Dans cet établissement d'environ 1.400 élèves, la grille est ouverte pendant 5 à 10 minutes aux heures de pointe, en présence d'un surveillant qui effectue un contrôle visuel des élèves.

Leurs carnets de liaison sont ensuite vérifiés à l'entrée des bâtiments et, le reste du temps, les lycéens utilisent un badge individuel pour entrer et sortir du lycée.

"Je me sens vraiment en sécurité", assure Adrien. "Il y a déjà eu des intrusions dans le lycée à cause d'élèves qui ont prêté leurs cartes" mais ces personnes "ont rapidement été appréhendées", selon lui.

Le drame de Nantes a relancé le débat sur la sécurisation des établissements scolaires. Le Premier ministre François Bayrou a estimé que l'installation de portiques à l'entrée était "une piste" pour éviter de nouvelles attaques au couteau.

Une élève présente son badge pour passer par un tourniquet de sécurité à l'entrée du lycée Montebello à Lille, le 25 avril 2025 dans le Nord

Une élève présente son badge pour passer par un tourniquet de sécurité à l'entrée du lycée Montebello à Lille, le 25 avril 2025 dans le Nord

Sameer Al-DOUMY - AFP

"Nous avions proposé des expérimentations — portiques de sécurité, reconnaissance faciale — dans les lycées. Elles ont été refusées. Il est temps de revoir ces décisions, et d'agir fermement pour protéger nos enfants", a pour sa part écrit sur X le maire de Nice Christian Estrosi.

Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, le syndicat des personnels de direction de l'Education nationale, dit n'avoir "pas connaissance" en France d'un établissement scolaire équipé d'un portique avec détecteur de métaux comme dans les aéroports, dont le coût paraît prohibitif et l'usage au quotidien compliqué.

- "Impraticable" -

"Ça fait maintenant 27 ans que je suis chef d'établissement ou chef d'établissement adjoint et ça fait 27 ans qu'à chaque incident ou à chaque drame (...) on voit revenir cette hypothèse de portiques de sécurité qui est, on le sait tous, totalement impraticable, parce que ça voudrait dire une entrée individuelle, élève par élève", s'agace Florence Delannoy, la proviseure du lycée Montebello, par ailleurs secrétaire académique adjointe du SNPDEN-Unsa.

Une élève passe par un tourniquet de sécurité à l'entrée du lycée Montebello à Lille, le 25 avril 2025 dans le Nord

Une élève passe par un tourniquet de sécurité à l'entrée du lycée Montebello à Lille, le 25 avril 2025 dans le Nord

Sameer Al-DOUMY - AFP

"Pour un lycée comme celui-ci, il faudrait 10 portiques", selon elle. "Et si le portique sonne, qu'est-ce qu'on fait?". Les assistants d'éducation n'ayant pas le droit de fouiller les élèves, "on appelle le 17 à chaque ceinturon?", fait-elle mine de s'interroger.

Mme Delannoy insiste plutôt sur la nécessité de développer une "culture de sécurité" au lycée: ne pas prêter son badge à quelqu'un d'autre, signaler l'entrée d'un élève inconnu...

Après l'attentat d'Arras (Pas-de-Calais) qui a coûté la vie au professeur Dominique Bernard en octobre 2023, "on a beaucoup travaillé sur le périmétrique, les clôtures, portails, portillons", souligne Laurent Rigaud, vice-président de la région Hauts-de-France en charge des lycées.

"On avait parfois des clôtures qui étaient très basses, qu'on pouvait enjamber", ajoute-t-il, estimant que "93%" des lycées de la région sont désormais sécurisés sur ce point, tandis que "pour la vidéoprotection, on a encore une petite centaine d'établissements à équiper".

Des équipements au coût non négligeable pour des collectivités qui peinent souvent à boucler leurs budgets. En incluant les dépenses de cette année, la région Hauts-de-France a investi plus de 40 millions d'euros dans la sécurité de ses lycées depuis 2021, selon M. Rigaud.

En Ile-de-France, "il n'y a pas de modèle unique de sécurité (...), la région finance ce que le lycée souhaite", explique-t-on au conseil régional. "S'ils veulent mettre un sas de sécurité, (...) on finance le sas de sécurité. Ils n'ont pas demandé de portiques". Dernier ajout, des boutons d'appel directement reliés à la police pour les proviseurs.

Mais au-delà de toutes ces solutions techniques, pour Ludivine Debacq du syndicat SNES-FSU, "ce qui est important, c'est le repérage des élèves en détresse et partant dans des comportements déviants".

"Les proviseurs nous disent qu'on a quand même pas mal de jeunes psychologiquement instables", confie aussi M. Rigaud. "On peut sécuriser", mais il faut aussi "mettre de l'humain derrière" pour accompagner ces jeunes.

bj-burs/etb/skh

Par Béatrice JOANNIS / Lille (AFP) / © 2025 AFP

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