Il y a les forteresses imprenables, les "swing states", et les "terra incognita": les agriculteurs français ont encore quelques jours pour élire leurs représentants lors d'un scrutin très observé qui déterminera le nouveau rapport de force entre les syndicats agricoles.
Voici un tour de France des campagnes.
. Bastions FNSEA-JA du Nord
Avec 65% des suffrages aux dernières élections (2019) dans les Hauts-de-France, l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs a confiance dans la puissance de la "fédé", revendiquant près de 5.000 adhérents contre 200 pour la Coordination rurale (CR) et une centaine pour la Confédération paysanne.
Dans la première région française de production de pommes de terre et de betteraves, l'enjeu sera avant tout "de faire voter les gens", estime-t-on à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), comme à la CR.
Après un an de crise et une campagne tendue, la prudence est de mise. Charlotte Vassant, présidente de l'Union syndicale des agriculteurs de l'Aisne, affiliée à la FNSEA, ne craint pas de changement de rapport de force mais rappelle qu'"on est quand même aujourd'hui dans une société où il y a pas mal de +dégagisme+".
. La Charente, "swing state" courtisé
En Charente, la Coordination rurale espère retrouver la présidence de la chambre conquise en 2013 et perdue de peu en 2019, en obtenant 39,86% des voix contre 41,34% à l'alliance FNSEA-JA, avec 41% de votants seulement.
Comme ailleurs en Nouvelle-Aquitaine, où la CR détient trois chambres (Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne), ses militants ont été très mobilisés en 2024, faisant entendre leurs voix jusqu'au Salon de l'agriculture à Paris et multipliant les actions de blocage régionales cet automne.
C'est une femme, Laëtitia Plumat, viticultrice dans un département marqué par la crise du cognac, qui mène la liste et la bataille électorale à coups d'apéritifs de campagne chez des exploitants.
Ses colistiers ont été présentés le 6 janvier lors d'une visite de la présidente nationale Véronique Le Floc’h, omniprésente ces dernières semaines en Nouvelle-Aquitaine, dont la CR voudrait faire son fief en s'emparant aussi de la Dordogne, voire de la Corrèze.
Crise viticole, revenus, installation des jeunes, accès à l'eau… "Les enjeux sont multiples, on ne va pas se retrouver en situation de facilité quand on va prendre cette chambre", affirme Laëtitia Plumat, qui anticipe déjà une victoire face au sortant, le céréalier FNSEA-JA Christian Daniau.
. L'Ariège, terre des possibles
Dans ce département pyrénéen, la Confédération paysanne, qui a obtenu 38,79% des voix en 2019, espère conquérir la chambre en profitant de la présence face à elle de deux listes émanant de la FDSEA, l'une officielle FDSEA-JA emmenée par Hervé Peloffi, l'autre dissidente conduite par Philippe Lacube.
Ce dernier, éleveur, est le président sortant de la chambre, élu avec 54,05% des voix au dernier scrutin sur la liste FDSEA-JA. Il avait dit ne pas briguer de nouveau mandat mais s'est ravisé, affirmant ne pas "se reconnaître" dans la liste investie par son syndicat. Philippe Lacube a entraîné quasiment toute l'équipe sortante pour présenter une liste alternative, baptisée "Libres de cultiver notre avenir".
La Coordination rurale (un peu plus de 7% des voix en 2019) ne présente pas de liste.
La Confédération paysanne, dont la porte-parole nationale Laurence Marandola figure en quatrième position sur la liste, espère transformer l'essai. Le syndicat, qui milite pour "l'installation de paysans nombreux dans des fermes à taille humaine", s'est fortement mobilisé dans cette région d'élevage frappée par la fièvre catarrhale ovine.
. En Moselle, le combat des "indépendants"
En Moselle, la liste indépendante "Territoires et filières", qui compte quelques dissidents de la FDSEA, tentera de garder les rênes de la chambre d'agriculture.
En 2019, elle l'avait emporté de peu avec 36,3% des voix contre 34% à la FDSEA, une petite révolution dans la région Grand Est jusque-là entièrement acquise à la FDSEA.
"Notre bilan parle pour nous, mais on n'a pas les mêmes moyens que les grands syndicats", estime Stéphane Ermann, tête de liste et éleveur ovin. Il s'inquiète du taux de participation, jugeant que "l'abstention fera le jeu des syndicats". "Eux, leur réseau, ils l'activent, ils ont les listings, les SMS et tout ce qu'il faut. Nous, on n'a pas tout ça".
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