Paysans, maçons ou soudeurs? Plusieurs centaines d'agriculteurs français manifestaient jeudi devant des établissements publics pour demander une halte aux "entraves" administratives, allant jusqu'à ériger des murs symboliques devant l'Anses et l'Inrae, et souder les portes de l’Office français de la biodiversité à Toulouse.
Un groupe d'une centaine d'agriculteurs franciliens a dressé un mur en cartons pour bloquer symboliquement l'entrée de l’agence sanitaire Anses à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), après avoir mené une action similaire à l'aube, mais avec des parpaings, à Paris, devant l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
A Nice, des agriculteurs ont déversé du fumier et de la laine de mouton devant les grilles de la préfecture des Alpes-Maritimes pour manifester leur colère, tandis que plusieurs centaines de paysans alsaciens ont protesté contre la "paperasse" en projetant une pluie de papier broyé sur la Cité administrative de Strasbourg.
A Toulouse, c'est de la paille qu'une vingtaine d'agriculteurs ont déposée sur les marches de la Cité administrative, avant de souder un portail pour bloquer l'accès à un bâtiment hébergeant une agence de l'eau et l'antenne locale de l'Office français de la biodiversité (OFB).
"L'administration nous entrave, on les enferme", a commenté sur Instagram la branche haut-garonnaise de la FNSEA, qui a organisé ces actions avec le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA).
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a condamné "avec la plus grande fermeté toute atteinte aux personnes et aux biens, qui nuit aux revendications légitimes des agriculteurs", dans une déclaration à l'AFP.
- "Que des contraintes" -
Des agriculteurs franciliens, emmenés par l'alliance syndicale majoritaire, ont déposé des boîtes en carton vides devant le siège de l'Anses pour inciter l’agence "à déménager à Bruxelles, pour qu’elle arrête de contredire les réglementations européennes", a déclaré à l'AFP Cyrille Milard, président de la branche de la FNSEA dans la Seine-et-Marne.
A l'aube, les mêmes manifestants avaient exprimé leur "ras-le-bol" en érigeant un mur en parpaings devant l'Inrae, dans le septième arrondissement de la capitale.
Tagué en orange sur le mur d'environ deux mètres de haut, on pouvait lire "INRA escrolos", tandis qu'une banderole affichait: "A vendre, ne sert plus à rien - Bail à céder - Economie réalisée: 1,1 Milliard €".
"On finance un institut national à un milliard d'euros par an qui ne nous rapporte que des contraintes", a déclaré Donatien Moyson, coprésident des JA Ile-de-France Ouest, auprès de l'AFP. "On est là pour lutter contre les entraves", a-t-il dit.
L'Inrae a estimé dans un communiqué que "les critiques" dont il fait l'objet "ne rendent pas compte" des résultats obtenus par ses chercheurs, ingénieurs et techniciens, et a assuré "poursuivre ses recherches au meilleur niveau pour concevoir des systèmes de production agricoles et alimentaires durables et rémunérateurs".
- La ministre mobilisée -
La ministre de l'Agriculture doit recevoir jeudi après-midi le président de l'Institut "pour évoquer l'enjeu de la simplification pour les agriculteurs, le rôle de l’Institut et trouver des réponses communes aux trop nombreuses contraintes administratives", détaille son ministère.
Vendredi matin, elle recevra "à sa demande les organisations syndicales pour avancer sur des mesures concrètes qui visent à simplifier le quotidien de nos agriculteurs", ajoute son cabinet.
Mercredi, 28 actions ont eu lieu dans 24 départements, ont recensé les autorités, impliquant 1.600 personnes et 479 engins agricoles, et ciblant "davantage les bâtiments publics".
L'alliance FNSEA-JA avait placé sa première semaine de mobilisation sous le signe de l'opposition au projet d'accord de libre-échange entre l'UE et des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Mais, pour sa deuxième semaine d'actions coordonnées, elle vise plus particulièrement ce qu'elle considère comme des "entraves" au travail des agriculteurs: des préfectures, agences de l'eau ou bureaux de l'Office français de la biodiversité (OFB).
Par Luca MATTEUCCI / Paris (AFP) / © 2024 AFP