Des rassemblements et manifestations clairsemés "pour l'emploi et l'industrie" se sont tenus jeudi dans plusieurs villes en France, avant la nomination d'un nouveau Premier ministre sommé de répondre à "l'urgence sociale" par la CGT, dans un contexte marqué par l'explosion des plans sociaux.
Les cortèges en France n'ont pas attiré les foules des grands jours: 12.000 personnes ont participé aux 96 actions menées jeudi, selon le bilan des autorités. Ils étaient 1.400 à Nantes, 520 à Rennes, 460 au Mans et 350 à Lyon, par exemple.
A Paris, le cortège qui s'est dispersé sans incident, a rassemblé 1.400 participants au plus fort, selon les mêmes sources.
Pas de quoi entamer la détermination de Valérie Lefebvre-Haussmann, salariée d'une banque et responsable syndicale, venue "en solidarité avec les salariés de l’industrie" menacés de licenciement, "mais aussi parce que même dans nos secteurs (banques et assurances, NDLR) nous ne sommes pas épargnés". "Au nom de la rentabilité, on ferme des agences, on remercie des employés (…) et nos salaires stagnent", s'agace-t-elle.
A Rennes, Fred Roland a manifesté pour la première fois depuis qu'il a commencé à travailler pour Axians (filiale du groupe Vinci touchée par un plan social) comme technicien fibre. "Après 20 ans d'ancienneté, ils me donnent seulement 4.000 € de prime, soit deux fois mon salaire net", dit-il, blasé.
Les rassemblements, lancés par la CGT, rejointe par Solidaires et FSU, ont été initiés alors que les annonces de plans sociaux se succèdent dans les grandes entreprises (Auchan, Michelin, Vencorex, PPG...), chez des sous-traitants ou petites structures, visant de nombreux secteurs (métallurgie, commerce, secteur public et associatif, banques et assurances, chimie...) un peu partout sur le territoire français.
La CGT avait dénombré le 27 novembre 286 plans sociaux. Elle en recense désormais 300, tout en reprenant les données du cabinet Altares qui comptabilise 300.000 emplois menacés ou supprimés.
"Des urgences sociales, il y en a partout dans le pays", a déploré Sophie Binet, depuis l'usine des Fonderies de Bretagne à Lorient (Morbihan) où "400 emplois sont en jeu".
La leader, qui dénonce une nouvelle fois "cette saignée industrielle", a imploré la nomination d'"un Premier ministre qui réponde aux urgences sociales", alors que le nom d'un nouveau locataire à Matignon se fait attendre.
- "Compliqué de se mobiliser" -
Outre la centaine de mobilisations qu'elle a initiées dans près de 80 départements, la centrale de Montreuil a encouragé, dès fin novembre, "les salariés à se mettre en grève et occuper leurs usines pour empêcher les licenciements".
Mais l'appel semble avoir été peu entendu par les salariés. "C'est compliqué de se mobiliser lorsqu'on sait qu'on n'a pas d'interlocuteurs en face", juge une source syndicale, sous couvert d'anonymat.
Pour Anthony Bruno, cheminot de 23 ans présent dans le cortège lyonnais, "même si les taux de grévistes varient selon les entreprises, (il faut) montrer que c'est tous ensemble qu'il faudra qu'on riposte" . "On est tous attaqués, qu'on soit du public ou du privé", plaide-t-il.
Contrairement à la grève lancée par l'ensemble des organisations syndicales la semaine dernière dans la fonction publique, cette fois l'intersyndicale n'a pas pris position, divisée sur les stratégies à adopter, fragilisant un peu plus l'ampleur de la mobilisation.
Seuls Solidaires et la FSU ont ainsi rejoint le mouvement.
Force ouvrière a de son côté apporté son soutien à "toutes les initiatives et mobilisations déjà décidées" par ses troupes localement.
Côté rail, le trafic était "normal" pour tous les TGV, mais de légères perturbations ont touché les trains régionaux "avec en moyenne nationale huit trains sur dix". En Ile-de-France, les lignes les plus perturbées étaient le RER D (un train sur trois en moyenne) et la ligne R du Transilien (un train sur cinq).
Dans la branche électrique et gazière, la grève est reconduite chez GRT Gaz dont les salariés s'étaient déjà fortement mobilisés il y a une semaine.
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Par Ambre TOSUNOGLU et Madeleine de BLIC, avec Manon BILLING à Lyon / Paris (AFP) / © 2024 AFP