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Didier Bille : "Les ressources humaines sont devenues le bras armé du business"

Par Benjamin Jeanjean

Ancien DRH et auteur de "DRH, la machine à broyer", Didier Bille était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce lundi pour dénoncer entre autres les nouvelles méthodes de management en entreprise.

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"Très rapidement après être entré dans les ressources humaines, j’ai commencé à me poser des questions. Pas tellement sur les licenciements (car le livre ne tourne pas uniquement autour de ça), mais sur les pseudos-théories que je voyais fleurir autour de moi et qui me perturbaient un petit peu". Le point de vue est limpide et incisif. Invité du Grand Matin Sud Radio ce lundi, Didier Bille, auteur de DRH, la machine à broyer, n’est pas tendre avec de nombreux concepts en vogue dans le monde du management en entreprise.

"Vous avez tout ce qui tourne autour des talents, qui est une vaste fumisterie. Vous avez les générations X, Y, Z, millenials, etc. Tout ce qui concerne les modes de management, qui changent avec les saisons et qui tombent comme les feuilles. La motivation des salariés et le fait qu’on s’intéresse à leurs opinions alors qu’on en a en réalité rien à faire, etc. (…) L’immense majorité de ce genre de choses sont du pipeau, ou en tout cas, même quand il y a une petite base de recherche scientifique, elle se retrouve complètement pervertie par des consultants qui transforment tout ça en produit. Ensuite, ils en font le marketing et le vendent en entreprise. Et pour le vendre, il faut que ce soit simple", énumère-t-il avant de s’émouvoir notamment des conséquences de la théorie des talents.

"95% des salariés, c’est de la chair à canon"

"La fameuse théorie des talents, c’est que vous avez un tout petit pourcentage (5-8%) des salariés qui seraient des gens extraordinaires et qui, grâce à leur talent, à eux seuls et par leur présence, feraient le succès de l’entreprise (ou l’échec s’ils ne sont pas là). Les 95% restants, c’est de la chair à canon, des gens qui peuvent être jetés sans aucune forme de procès. (…) C'est venu des États-Unis, où tous les salariés, quelle que soit leur ancienneté, peuvent être jetés du jour au lendemain sans aucun motif. Il y a donc déjà là un terreau favorable à certaines théories. Ensuite, vous avez la General Electric qui a théorisé tout ça, et un ou deux grands penseurs en ressources humaines, comme David Ulrich qui a décrété que les ressources humaines ne devaient plus s’occuper des gens mais du business", explique-t-il.

Arguant que "les ressources humaines doivent être le trait d’union entre les salariés et la direction", Didier Bille déplore qu’elles soient aujourd’hui devenues "le bras armé du business". En témoigne notamment selon lui la gestion des cas de discrimination ou harcèlement sexuel, un thème particulièrement sensible ces derniers temps. "Quand un cas nous est soumis, la première chose à faire est de mettre en balance la valeur du discriminé et celle du discriminant. Si le discriminant (en général, un manager) a plus de valeur pour l’entreprise, c’est le discriminé qui sautera. C’est assez binaire !", assure-t-il.

Formation professionnelle : "Des margoulins vous vendent n’importe quoi"

Autre illustration des dérives du management, les excès de certaines formations professionnelles qui n’ont de formation que le nom selon Didier Bille. "La formation est l’une des clés pour lutter contre le chômage et préserver son emploi. Mais à l’intérieur de cette formation, vous avez énormément de margoulins qui vous vendent n’importe quoi (des petits "séminaires", du saut à l’élastique, etc.). Ce choix d’envoyer tout le monde au vert est souvent pris très haut dans l’entreprise. Les managers, on ne leur demande pas leur avis et on leur amène le produit tout fait. Ils n’ont pas d’autre choix que de faire preuve d’un enthousiasme débordant", déplore-t-il.

Sans surprise, son opinion tranchée n’a pas valu à Didier Bille que des louanges dans son milieu. L’Association Nationales des DRH s’est ainsi rapidement détachée de ses propos. "La réaction pavlovienne et corporatiste de l’ANDRH ne m’étonne pas. L’ANDRH est aux ressources humaines ce que la ligne Maginot est à une armée moderne. Je trouve assez lamentable que leurs attaques soient ad hominem et non pas vis-à-vis des idées que je développe dans le livre. Je ne fais pas que parler de licenciements et de méthodes, je parle aussi des théories qui ont cours en entreprise et qui sont critiquables. Cela dit, j’avais déjà des ennemis dans la profession avant d’écrire ce livre puisque je dénonce en interne ces méthodes depuis très longtemps", réplique Didier Bille.

L’auteur avoue même craindre pour l’avenir de sa profession. "Pour peu que l’on s’intéresse à toute la presse anglo-saxonne sur les ressources humaines, vous avez un véritable débat sur leur utilité. Effectivement, si elles ne se réforment pas, c’est pour moi une profession qui va être appelée à disparaître. Tout ce qui est administratif, on peut le refiler à n’importe quel service, tout ce qui est légal, ça peut partir au service juridique, et tout ce qui est formation, ça peut être externalisé", indique-t-il.

Réécoutez en podcast l’interview de Didier Bille dans le Grand Matin Sud Radio

 

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