Le Doliprane fixé sur son sort: un "accord tripartite" a été trouvé entre l'Etat, Sanofi et le fonds d'investissement américain CD&R dans le projet de cession de la filiale du groupe pharmaceutique Opella, qui commercialise le Doliprane, l'Etat assurant avoir obtenu des garanties, notamment sur l'emploi.
"On a atteint le plus haut niveau de garanties possible" dans les discussions entre Sanofi et le repreneur américain, ont précisé les cabinets des ministres de l'Economie et de l'Industrie, alors que "l'Etat, via Bpifrance, sera actionnaire pour y veiller".
"C'est la solution la plus efficace qui a été mise sur la table", ont estimé ces sources ministérielles, l'exécutif s'étant montré très vigilant sur ce dossier sensible, dans un contexte de pénuries récurrentes de certains médicaments.
L'Etat a ainsi obtenu "des garanties" sur l'emploi, la production, l'approvisionnement du marché français, la gouvernance et le développement de l'entreprise, soulignent ces sources qui détailleront ces engagements lundi matin au cours d'une conférence de presse.
Sanofi, en discussion sur une possible cession d'Opella au fonds CD&R depuis le 11 octobre, a, lui aussi, annoncé une communication séparée lundi matin.
Le géant pharmaceutique franchit ainsi une nouvelle étape dans ce projet de séparation visant à lui permettre de se concentrer sur l'innovation dans l'immunologie, les maladies rares et les vaccins, des domaines plus rentables, mais où il aura besoin d'investir.
Il prévoit toutefois de rester actionnaire à 50% dans la prochaine structure du capital d'Opella, valorisée par des médias économiques à environ 15 milliards d'euros.
Le fonds d'investissement français PAI Partners, en partenariat avec des co-investisseurs internationaux, a eu beau retenter sa chance jeudi en améliorant son offre, la balle reste donc dans le camp américain en dépit des réticences que ce projet sensible a pu susciter ces dernières semaines.
Sanofi avait annoncé le 11 octobre négocier avec CD&R, un gros fonds américain qui investit en France depuis une quinzaine d'année (notamment dans Rexel, Spie, Socotec, But et Conformama) et présent dans plusieurs entreprises pharmaceutiques comme Inizio et Sharp.
Souhaitée par Bercy, la participation de la banque publique d'investissement Bpifrance à l'opération a été actée dans cet accord: l'acteur public va entrer au capital d'Opella, qui abrite d'autres marques françaises comme Dulcolax, Lysopaïne, Maalox ou Novanuit.
Un moyen, pour le gouvernement, d'obtenir un droit de regard sur les orientations stratégiques de l'entreprise grâce à une présence de l'Etat au conseil d'administration d'Opella.
- "Des promesses" -
En 2021, Bpifrance était entrée au capital de Seqens, fabricant français de principes actifs pharmaceutiques et emblème de la relocalisation de la production du paracétamol en France, auprès duquel Opella s'est engagée à s'approvisionner, tout comme le concurrent Upsa (Dafalgan et Efferalgan).
La perspective de l'arrivée d'un nouvel actionnaire étranger passe mal auprès des syndicats du groupe, en grève reconductible depuis jeudi pour s'opposer au projet, mais aussi auprès de l'opinion publique attachée à la marque tricolore Doliprane, vendue à 97% en France.
Les syndicats craignent une "casse sociale" dans les 1.700 emplois que compte Opella sur le sol français, dont 480 sur son site de Compiègne (Oise) et 250 dans son usine de Lisieux (Calvados), dédiée à ce médicament le plus vendu en France.
A mesure que Sanofi s'approchait du terme de son processus définitif de sélection, les appels à bloquer la vente se sont montrés plus insistants au fil des derniers jours.
Le groupe pharmaceutique assure pourtant depuis le premier jour que "ce projet n'aura pas d'impact sur l'emploi en France" et qu'il a vocation à faire grandir Opella en s'appuyant sur un partenaire financier prêt à investir dans ce marché plus proche de la grande consommation que de l'activité pharmaceutique.
"Sanofi peut bien faire des promesses, une fois qu'il ne sera plus décisionnaire, qu'adviendra-t-il ?", s'interrogeait récemment Humberto de Sousa, syndicaliste CFDT Sanofi.
Présente aussi dans le segment des vitamines, compléments alimentaires et de la nutrition sportive, Opella a réduit drastiquement son portefeuille de marques ces quatre dernières années pour n'en conserver qu'une petite centaine dans le monde.
Cette entreprise, qui compte 11.000 collaborateurs dans environ 100 pays, doit environ 80% de sa croissance (de 6%) à seulement une quinzaine de ces marques.
Un autre dossier à forts enjeux sanitaires a été au cœur des débats politiques plus tôt cette année : l'exécutif était monté au créneau pour mettre en garde contre une éventuelle mise en vente du fabricant de génériques Biogaran par sa maison-mère Servier. Celle-ci a fini par jeter l'éponge en septembre.
Par Anne PADIEU / Paris (AFP) / © 2024 AFP