L'enseignement catholique rejoint le camp des opposants au projet actuel de programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, en demandant à son tour que le texte soit "profondément remanié", au moment où la ministre de l'Education affirme pourtant que "la machine est lancée".
"Nous partageons les ambitions" de ce programme, censé être officialisé prochainement, mais "la lecture du document nous amène à formuler de sérieuses réserves", ont indiqué vendredi le secrétariat général de l'Enseignement catholique, qui scolarise près de 20% des élèves du premier et second degrés, et l'Apel (association de parents d'élèves de l'enseignement libre) dans un communiqué.
Ce projet de programme "prend le parti de se substituer à la responsabilité éducative des parents. Nous ne pouvons l'accepter", soulignent-ils. Par ailleurs, "la rigidité d'un programme annualisé" ne permet "pas de s’adapter à la maturation et la singularité de chaque élève", selon eux, et les contenus "doivent rester imperméables à toute influence idéologique".
Pour l'enseignement catholique, il faut arriver à un "texte consensuel", veillant à "une meilleure prise en compte de la singularité des enfants", et à "la reconnaissance de la responsabilité première des parents sur ces sujets".
Cette nouvelle opposition au projet sous sa forme actuelle vient grossir la fronde menée ces dernières semaines par ses détracteurs, dont des organisations conservatrices comme le Syndicat de la Famille, ex-Manif pour tous, rejoints par le ministre délégué (LR) à la Réussite scolaire Alexandre Portier.
Celui-ci a jugé au Sénat que le texte actuel n'était "pas acceptable" en l'état, promettant de "s'engager personnellement pour que la +théorie du genre+", qui nierait les différences sexuelles, "ne trouve pas sa place dans nos écoles".
- "Sujet trop important" -
Le programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle en préparation, le premier du genre, doit répondre à la loi qui, depuis 2001, rend obligatoire l'éducation sexuelle dans les écoles, collèges et lycées, à raison d'au moins trois séances annuelles, mais est, dans les faits, peu respectée.
Ce projet fait l'objet de concertations depuis mars. Il doit être présenté le 12 décembre au Conseil supérieur de l'éducation (CSE), instance consultative, en vue d'une publication pour la prochaine rentrée.
L'entourage de la ministre de l'Education Anne Genetet a d'abord indiqué mercredi que celle-ci était "alignée" avec Alexandre Portier malgré des expressions différentes. Mais la ministre est ensuite montée au créneau pour défendre la pertinence du futur programme. Elle a publié notamment jeudi une vidéo sur les réseaux sociaux pour "rétablir la vérité face au flot de fausses informations qui circulent" sur ce projet.
Vendredi, c'est dans une interview au quotidien Ouest-France que la ministre soutient ce programme, affirmant que "la machine est lancée".
"Le CSE se tiendra de toute façon et il n'est pas nécessaire de passer par le cadre législatif. Les textes sont en préparation pour qu’ils soient publiés rapidement, "ajoute-t-elle. "Le sujet est trop important pour que le projet n’aboutisse pas".
- "ABCD" de l'égalité -
Pour Anne Genetet, "dans ce projet, il n’y a rien d’idéologique. Il n’y a qu’une ligne, c'est la mienne. Il est source de progrès, j’en suis fière".
Les polémiques qui entourent le programme d'éducation à la sexualité, sujet hautement inflammable, rappellent celles qui avait accompagné le lancement en 2014 par Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l'Education, de l'expérimentation d'"ABCD" de l'égalité pour déconstruire les stéréotypes filles-garçons. Cette expérimentation avait été abandonnée après plusieurs mois de rumeurs infondées, notamment sur la masturbation en maternelle.
Après les déclarations d'Alexandre Portier, plusieurs syndicats et organisations, dont le Planning familial et la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), ont dénoncé l'offensive contre le texte.
Lors d'Assises européennes de lutte contre les violences faites aux femmes à Strasbourg, des associations ont souligné à leur tour vendredi le rôle "fondamental" de l'éducation à la vie sexuelle en matière de prévention.
Pour Anna Matteoli, directrice du Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du Bas-Rhin, les attaques visant ce programme "masquent la vraie question: +qu'est-ce qu'on fait dans notre société pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles?+".
Par Sophie LAUBIE avec Pauline FROISSART à Strasbourg / Paris (AFP) / © 2024 AFP