Les chanteurs de la Maîtrise Notre-Dame de Paris, organistes et solistes, piaffent d'impatience avant de retrouver la cathédrale, leur écrin, pour les premiers offices et concerts après cinq années passées hors les murs, longues mais aussi riches en expériences.
"J'ai hâte de pouvoir aller chanter là-bas, surtout pour un si grand événement mondial qui parle à tellement de gens", s'enthousiasme Rébecca Moeller, soprano dans le choeur adultes, rencontrée par l'AFP à l'issue d'une répétition le week-end dernier, à une semaine de la réouverture officielle, samedi.
Depuis plusieurs semaines, c'est l'effervescence au 39 boulevard Saint-Germain, à Paris, où répètent les quelque 80 chanteurs de 8 à 30 ans, répartis entre trois choeurs (enfants, Jeune ensemble et adultes), qui assureront la partie lyrique de cet événement historique.
"Dès la réouverture, nous avons énormément d'offices à animer musicalement", explique Henri Chalet, directeur et chef de choeur principal, heureux de "dépenser toute notre énergie dans la cathédrale".
Car, après les deux jours consacrés aux cérémonies (samedi) et messes (dimanche) d'ouverture, le programme est intense pour ces experts en musique sacrée, avec 25 offices, vêpres et messes rien que pour la première semaine.
A la suite de l'incendie du 15 avril 2019, la Maîtrise, qui assurait environ 1.200 offices par an, avait trouvé refuge en l'église parisienne Saint-Germain de l'Auxerrois.
"Il fallait qu'on garde notre spécificité et qu'on continue à s'entraîner, à répéter et à faire vivre le répertoire propre à la cathédrale et propre à la Maîtrise, pour ne pas perdre notre savoir-faire", retrace Emilie Fleury, cheffe des choeurs enfants et Jeune ensemble.
Elle éprouve "beaucoup de joie et d'impatience à l'idée de retrouver la cathédrale, magnifiée après les rénovations, son acoustique, son environnement, son âme". "Quant aux enfants, ça les marquera pour leur vie entière", assure-t-elle.
- "chargé d'histoire" -
Lui aussi va retrouver un instrument qui lui tient à coeur: Thierry Escaich, l'un des quatre organistes titulaires du grand orgue sauvé des flammes et restauré, a pu répéter, avec ses trois collègues, en vue du jour J. C'était un moment "magique", se remémore-t-il, "au milieu d'une fourmilière" d'artisans et ouvriers s'activant dans la dernière ligne droite.
C'est ensuite toute une saison de concerts qui s'annonce. Au programme du concert de réouverture, les 17 et 18 décembre, le "Magnificat" de Jean-Sébastien Bach, oeuvre emblématique jouée par exemple le soir de la Libération de Paris en août 1944.
La soliste mezzo-soprano Eva Zaïcik est ravie d'y être. Elle connaît bien les lieux, elle qui avait l'habitude d'y chanter deux à trois fois par semaine, y a animé des messes et donné des concerts, pendant ses quatre ans de formation à la Maîtrise puis comme soliste professionnelle.
"Je me sens très chanceuse", car "Notre-Dame a vraiment été un passage très important dans ma vie" et "ce lieu est tellement chargé d'histoire et de musique !", dit-elle, se souvenant du "traumatisme" vécu lors de l'incendie.
Pendant la période qui a suivi, la Maîtrise a pu se produire en concerts hors les murs. "On a chanté dans d'autres églises parisiennes, au Théâtre du Châtelet, à la Philharmonie de Paris. J'ai fait un opéra avec les enfants à l'Opéra de Lille, on est allé dans le sud de la France pour un festival", énumère Emilie Fleury.
"On a ainsi abordé un répertoire nouveau, c'était intéressant de passer un peu à la musique profane" mais aussi "de découvrir une pluralité d'acoustiques". "C'était très enrichissant, au final", se réjouit-elle.
Le choeur d'adultes s'est aussi produit en tournée aux Etats-Unis en 2023, "une première dans l'histoire" de cette école de chant à la tradition séculaire, se félicite Henri Chalet. "L'incendie a dû nous forcer à nous réinventer et à rayonner autrement".
Par Karine PERRET / Paris (AFP) / © 2024 AFP