Marlène Schiappa veut créer des salles de repos pour les livreurs.
Je commencerai par une remarque personnelle : je ne commande jamais de repas sur les plateformes comme Deliveroo, Just Eat, UberEats. C’est une forme dégradante d’esclavage moderne. Pour quelques euros, on voit ces malheureux pédaler ou rouler par tout temps pour que les start-uppers puissent manger leurs sushis.
Une plainte a été déposée récemment après qu’une cliente a envoyé à un livreur ce message révoltant : « Dépêche-toi esclave », juste parce que son poulet frit tardait trop. On dira toujours que les livreurs font ce choix de vie librement mais l’échange travail/salaire semble pour le moins inégal.
Marlène Schiappa, tête de liste LREM à Paris pour les régionales en Île-de-France, en plus d’être ministre, propose donc de créer des salles de repos où les livreurs pourront s’arrêter entre deux coups de feu, voire prendre une douche.
N’est-ce pas une bonne idée ?
C’est simplement une idée de dame patronnesse. Des bons sentiments pour le petit personnel, sachant qu’en plus, les attroupements de vélos et scooters près des restaurants font du bruit.
Elle passe à côté du problème. L’objectif de Schiappa devrait être que personne n’ait à vendre sa force de travail à si vil prix pour survivre.
Toute la politique économique depuis trente ans revient à jouer les ambulanciers : on soigne les blessés de la mondialisation à coups de subventions, alors qu’il faudrait que les gens aient de vrais emplois et non des vrais-faux statuts d’entrepreneurs qui les mettent à la merci des plateformes. Plutôt que des salles de repos financées par le contribuable, il faudrait faire payer aux exploitants des impôts et des charges sociales.
Bref, cette économie de services à bas prix qu’on appelle ubérisation est le revers de la mondialisation néolibérale. Pour faire court, on a mis les salariés occidentaux en concurrence avec les salariés chinois et nos industries ont délocalisé. On dira que le consommateur a gagné ce que le citoyen a perdu mais justement, il faut savoir dans quel monde nous voulons vivre et si nous sommes prêts à payer nos biens et services au prix du travail en France.
Autrement dit, comme le disait Bossuet, au lieu de pleurnicher sur les conséquences, les gouvernants seraient inspirés de s’attaquer aux causes.