Le président sortant, qui effectuait son premier déplacement de candidat sur le terrain, a annoncé qu'il "ne fera pas de débat avec les autres candidats avant le 1er tour ». La chronique d'Élisabeth Lévy.
C’est officiel. Emmanuel Macron ne débattra pas avec les autres candidats. Il l'a confirmé hier soir lors de son déplacement à Poissy : «aucun président qui se représentait ne l’a fait. Je ne vois pas pourquoi je ferais différemment ». Ses concurrents hurlent au scandale. Mais la politique n’est pas seulement une affaire d’abnégation de justice, de considérations nobles. À la place de Macron, ils feraient exactement pareil. Parce qu'il a cet avantage structurel, d'être le président exercice et surtout parce que Poutine lui offre une scène mondiale. Je ne lui prête pas uniquement du cynisme en disant cela. Tout politique rêve de rencontrer l’Histoire et elle a rarement une bonne tête. Emmanuel Macron n’est évidemment pas responsable de la catastrophe ukrainienne. Mais elle lui permet de la jouer mal rasé bras de chemises, je m’intéresse aux Français, mais je dois éviter la troisième guerre mondiale. Il en fait toujours un peu trop, il veut montrer son âme immaculée. Il emploie un vocabulaire moral : "Poutine, c’est mal". Moi je croyais que la diplomatie supposait à la fois du secret et de la froideur.
Pour quelle raison, Macron ferait-il campagne ? Ses rivaux ne peuvent pas le concurrencer dans son rôle de père de la nation. Ce sera donc sans lui. Une bataille pour la deuxième place.
Donc, pas de scandale démocratique ?
La ficelle est énorme quand il ressort de son chapeau le lapin grand débat avec les Français comme à Poissy. C'est un débat Potemkine, avec des gens intimidés, voire sélectionnés. Il va montrer son talent de standupper. Mais ce one man show entrecoupé de questions n’est pas un débat égalitaire.
Cela dit, les autres candidats ne sont pas obligés de se résigner à cette vraie-fausse campagne. Ils n’ont qu’à être plus convaincants. Ils n’ont pas besoin de lui pour exposer et critiquer son bilan.
Finalement, la qualité du débat dépend largement des médias. Il y aura scandale démocratique s’ils décident que pour cause de guerre, le débat est sans intérêt ou s’ils interrogent le candidat avec la révérence qu'on doit au président ou au chef de guerre. On espère que les journalistes l’interrogeront comme les autres : en lui coupant la parole à toutes les phrases comme ils le font avec Marine Le Pen ou Éric Zemmour.
À la fin, les Français décideront s’ils veulent reconduire le président Top Gun (c'est mot d’un macroniste). Et s’ils le font, élu et électeurs auront cinq ans pour méditer sur la distinction entre la conquête du pouvoir et son exercice.