Après dix mois d’audience, le procès des auteurs des attentats du 13 novembre a pris fin hier avec l’énoncé du verdict. Élisabeth Lévy.
Vous l’avez entendu, le Français Salah Abdesslam, seul membre des commandos encore en vie, a été condamné à la perpétuité avec une peine de 30 ans incompressible. Il est assez probable qu’il fera appel, ce qui veut dire qu’on recommencera tout.
Le premier objectif du procès pénal est de définir les responsabilités des accusés et de prononcer des sanctions. Mission accomplie. Sur la préparation du 13 Novembre, on a appris beaucoup de choses, on sait qui a fait quoi, quand et comment.
Beaucoup de parties civiles, rescapés ou familles de victimes, se sont déclarées satisfaites. Beaucoup affirment aujourd’hui pouvoir reprendre le cours de leur existence. Tant mieux. Leur souffrance est incommensurable et c’est d’abord à eux qui ont perdu un fils, une fille, un frère, une sœur, une mère, un père que nous pensons aujourd’hui.
Diriez-vous que c’est un procès historique ?
Ce procès fleuve était assurément hors-norme par son gigantisme : 149 jours d’audience, 1 million de pages d’instruction, 2000 parties civiles, des centaines d’avocats. C’est bien une sorte d’exploit judiciaire qui s’est achevé hier. Mais au-delà des victimes, répond-il aux attentes du peuple français au nom duquel la Justice est rendue ?
Il serait présomptueux d’émettre des jugements péremptoires. Je suis un peu embarrassée par l’autocongratulation: nous avons répondu à la barbarie par l’Etat de droit. Certes, mais une autre question se pose : sommes-nous mieux armés aujourd’hui ?
Sur l’aspect proprement sécuritaire, probablement, même si nous ne savons pas tout, il y a eu beaucoup d’attentats déjoués.
Sur l’aspect politico-idéologique, mon sentiment est que non. Car nous continuons à ne pas vouloir voir la forêt où poussent de tels arbres. Sur le djihadisme d’atmosphère, nous continuons à nous raconter des histoires. Seules de très petites minorités seraient concernées et cela n’a rien à voir avec l’islam. Or, bien entendu, tous les musulmans ne sont ni islamistes, ni djihadistes. Mais on voit bien que, sur fond de victimisation, l’idéologie islamiste et ce qu’elle charrie de haine de la France et de nos mœurs, continue à progresser. Nous avons toujours des ennemis, prêts à nous combattre. Mais notre plus grand ennemi, c’est le déni.