La justice reconnaît pour la première fois une autorité parentale partagée entre quatre parents. Élisabeth Lévy réagit.
Un couple d’homosexuels et un autre de lesbiennes sont amis. Chacun des hommes fait un enfant avec l’une des femmes, l’histoire ne dit pas comment. Ils les élèvent ensemble. Mais pour chaque enfant deux adultes tiers n’ont aucun droit ni statut. Ça ne leur convient pas, alors ils déposent une requête pour que tous aient l’autorité parentale. Le 7 janvier, le Juge aux affaires familiales estime que “le projet de parentalité à quatre” a été “réfléchi et élaboré” avant même la naissance des enfants. Ils accèdent donc à leur requête. Pour chaque enfant, les deux tiers deviennent délégataires de l’autorité parentale jusqu’à la majorité des enfants. Ensuite, ils pourront adopter.
La question que cela pose est : un enfant peut-il avoir quatre parents ? Certes, on va nous dire qu'il faut distinguer autorité parentale et parentalité. Ca durera jusqu’à ce qu’une grande loi progressiste abolisse cette discrimination d’un autre âge. Et tout le monde s’émerveillera sur des familles de 2 papas/2 mamans.
Certes, il y a beaucoup de familles recomposées. Pourtant, l'argument pratique ne tient pas. Dans la vie concrète, les gens se débrouillent. On n'a pas besoin d’avoir l’autorité parentale pour aller chercher un môme à l’école ou au commissariat. Il suffit d’un mot des parents, comme pour la baby-sitter. L’autorité peut s’accorder au cas par cas en cas de besoin.
Pourquoi s’arrêterait-on à quatre ? Si des parents décident d’élever leur enfant en communauté, pourquoi ne pas donner l’autorité parentale à quarante personnes ?
Cette décision concernent la filiation, elle a des implications anthropologiques profondes. Elle touche à la condition humaine. Ce n’est pas à un JAF de décider sur un coin de table. On assiste à la poursuite de la déconnexion entre la famille, la parentalité et la filiation. Dans l’imaginaire, le parent n’est plus celui qui engendre ou adopte mais celui qui aime et éduque. La généalogie est expulsée au profit de la fabrication de soi, la filiation est remplacée par le désir. Ces individus venus de nulle part, cette post-humanité me font regretter l’humain à l’ancienne avec ses névroses et ses turpitudes. L’après-histoire a commencé. Et ce n'est pas une bonne nouvelle.