En finir avec la culpabilisation sociale est pour Elsa Godart "un enjeu très fort d’une maman qui élève seule ses enfants". "Je commence ce livre avec cette petite anecdote. Je suis un jour à la PMI avec ma petite fille de 20 mois. La pédiatre qui nous reçoit pour un simple vaccin, sans même regarder ma fille, me dit : 'Je ne vous demande pas si elle mange bien, ça se voit. Elle ne rentre pas dans les courbes d’ailleurs'. Devant ma résistance, elle tourne son ordinateur. Elle me montre des courbes et je lui réponds que ma fille n’est pas une courbe, je l’ai sous les yeux, ça me suffit", raconte-t-elle au micro de Sud Radio.
"Je sors de là, bien que totalement confiante dans mon éducation et dans la manière dont je prends soin de ma fille, il n’empêche que se crée en moi, par ces paroles, par ces propos, par cette injonction-là, un doute", explique Elsa Godart. "Ce doute est aussi le symbole d’un mal-être. Est-ce que je fais bien ? Est-ce que je fais vraiment comme il faut ? Est-ce que j’ai raison d’avoir confiance en moi ?".
Elsa Godart : "On n'est pas dans un manichéisme"
"J’avais déjà travaillé sur quelques approches un peu disparates vu que je suis en éthique médicale. Cela veut dire que j’enseigne de la philosophie pour des médecins", explique l’auteure de En finir avec la culpabilisation sociale. "J’avais déjà des réflexions autour du sujet mais là, cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La suite de l’histoire, c’est que je suis allée à la maternelle. J’ai commencé à parler à d’autres mamans qui avaient été aussi torturées par cette femme. Le pire, c’est qu’elles ne parlent pas, donc elles restent enfermées dans ce mal-être, dans ce doute, dans cette culpabilité dont on n’a pas besoin et je pense qu’il faut briser le silence à un moment donné".
"Je crois qu’il est dangereux de pouvoir imaginer un ennemi factice", juge Elsa Godart. "Notre société contemporaine a tendance à créer de faux dieux, de fausses idoles. Où on s’attarde sur des on-dit, sur des croyances. Qui est ce ‘on’ ? ‘On’ ça ne renvoie à rien. Nous oublions que nous participons tous à ce système. Un système de jugement, d’évaluation et on participe jusqu’à entrer dans ce système que je dénonce qui est un système global. Il n’oppose ni une vision démoniaque ou élitiste où je ne sais pas qui serait coupable. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Cela serait trop simple". Pour Elsa Godart, "La vie n’est pas binaire, la société n’est pas binaire. On n’est pas dans un manichéisme". "Au contraire, je pense qu’on participe tous à cette politique d’évaluation jusqu’à s’auto-évaluer. Je parle d’une stratégie d’auto-uberisation. Et finalement, on s’impose un vrai carcan".
"La crise sanitaire n’a fait que décupler et mettre sur la place publique ces problématiques"
"En ce qui concerne la crise sanitaire, je parle vraiment de quelque chose de spécifique". Elsa Godart l’a dit précédemment, elle "enseigne à l’école d’éthique de la Salpêtrière". "Je pense que je suis une philosophe qui a les pieds dans la glaise. Je suis sur le terrain. Mes étudiants, les doctorants sont déjà des médecins qui se trouvent confrontés à des choix moraux, parfois tragiques, ce que j’appelle des choix contraints", explique l’auteure de En finir avec la culpabilisation sociale.
"Pour vous donner un exemple très concret, ça peut être la priorisation des patients", explique Elsa Godart. "Ce sont des problématiques que l’on retrouve en médecine de manière assez récurrente. Là où la loi ne répond pas, on doit néanmoins décider ou trancher. Sur quoi pouvons-nous nous appuyer ? C’est un enfer moral à ce point de vue là. La crise sanitaire n’a fait que décupler et mettre sur la place publique ces problématiques que connaissent les médecins presque de tout temps, sauf que là, ça a pris une ampleur inconcevable", juge-t-elle.
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