La polémique de la campagne sur le port du voile lancée par le Conseil de l’Europe continue. Élisabeth Moreno déclare qu’elle n’a "absolument pas compris le message qu’il y avait derrière cette campagne" et annonce avoir été "très choquée parce que le principe d’une communication c’est de vous envoyer un message".
"Je me réjouis que la France se soit mobilisée pour qu’elle n’ait pas lieu, le Conseil de l’Europe l’a retirée", souligne la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances. "Je pense qu’ils ont compris leur maladresse". Pour certains, toutefois, ce n’était pas qu’une maladresse mais bien une provocation. Ce n’est pas l’avis de la ministre déléguée qui estime que les personnes siégeant au Conseil de l’Europe sont "beaucoup plus constructives que rechercher à faire de la provocation". "Je suis extrêmement perplexe parce que je ne comprends pas ce qu’ils ont cherché à partager."
"Je ne vois pas l’intérêt de légiférer à nouveau" sur le port du voile
Le port du voile divise toujours en France, notamment sur son port dans l’espace public. Pour autant, Élisabeth Moreno juge qu’il n’y a pas matière à légiférer à nouveau. "Nous sortons d’une crise sanitaire sans précédent qui pèse encore très lourdement sur le moral des Français, qui pèse encore lourdement sur notre économie..." "Est-ce que véritablement nous ne devons pas choisir les priorités que nous devons traiter ?", demande-t-elle. "Je ne vois pas l’intérêt de légiférer à nouveau sur cette question."
Cette question, pour la ministre déléguée, "revient parce que nous la mettons dans le débat". Or, "c’est à nous de choisir les sujets que nous avons envie de porter". Selon elle, les questions que se posent les Français sont surtout sur "le pouvoir d’achat" ou encore sur leur santé. "La crise sanitaire n’est pas encore terminée : choisissons nos batailles ! Nos batailles c’est de protéger et d’accompagner ; ça n’est pas de légiférer sur une question qui a été débattue une centaine de milliers de fois."
Elisabeth Moreno : "à aucun moment le débat sur le voile n’est revenu au moment de l’Afghanistan"
La question du voile apparaît dans certains sondages, mais Élisabeth Moreno déclare que dans ces sondages apparaît surtout que "les Français sont préoccupés par le pouvoir d’achat, par la sécurité, par la justice sociale, par les inégalités, par l’environnement". Des sujets dont elle estime que le gouvernement s’est "emparé de manière très volontariste". "Je ne vois pas le voile dans ce débat."
Le voile est pourtant revenu un peu sur le devant de la scène. Notamment, lors du retrait des troupes américaines d’Afghanistan et la reprise du pouvoir par les Talibans. "Ce qui est revenu sur la table, au moment de l’Afghanistan, c’est la manière dont nous pouvions aider les femmes afghanes à se soustraire de ce patriarcat extrêmement pesant", analyse la ministre déléguée en charge de l’Égalité entre hommes et femmes. Pour elle, "à aucun moment le débat sur le voile n’est revenu au moment de l’Afghanistan".
"La religion a toujours été une source d’enfermement des femmes"
Si la ministre concède que "le voile est une manifestation du patriarcat", elle rappelle aussi que "les femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint tous les deux jours, une manifestation du patriarcat" tout comme la différence de 16,5 % de salaire entre hommes et femmes.
"Il n’y a pas un seul pays dans le monde qui peut se targuer de traiter les femmes et les hommes de la même manière : ça c’est un sujet important." Concernant le voile en particulier, Élisabeth Moreno ne prend pas l’islam en exemple mais souligne que "la religion a toujours été une source d’enfermement des femmes" et a plus pesé sur les femmes "que n’importe quel autre sujet". Pour autant, "nous sommes dans un pays laïc où ceux qui croient, ceux qui ne croient pas, sont parfaitement en place d’exprimer ce qu’ils souhaitent dans leur sphère privée", souligne la ministre déléguée.
Emploi : "les femmes occupent les métiers les plus précaires"
L’inégalité des salaires entre hommes et femmes est revenue une nouvelle fois sur le devant de la scène. Le collectif Les Glorieuses déclare que depuis le 3 novembre 2021, les femmes travaillent gratuitement. Élisabeth Moreno raconte avoir parlé avec le président de l’ESSEC qui lui a confirmé que "dès les cinq premières années, les jeunes femmes commencent à creuser un écart salarial avec les hommes", c’est-à-dire qu’elles commencent à gagner moins que leurs homologues masculins pour le même emploi.
"La difficulté, aujourd’hui, c’est que les femmes occupent les métiers les plus précaires", rappelle la ministre déléguée, "alors même que ce sont des métiers essentiels". Ces métiers, mis en avant durant la crise sanitaire, sont "mal payés, mal considérés". Or, sans des personnes qui réalisent les tâches liées à ce type d'emploi, rappelle-t-elle, "notre pays ne pourrait pas fonctionner normalement".
Dans le milieu de l'emploi, explique la ministre déléguée, "les femmes ne sont pas traitées de la même manière que les hommes". "On n'a que 30% des femmes dans notre pays qui occupent les postes les plus importants dans les instances de direction", "que 30% des femmes qui entreprennent" ou encore "que 12% de femmes qui créent des start-up dans le numérique". Or, le numérique représente un foyer d'emploi considérable pour les années à venir.
"C'est un changement de mentalité qui prend du temps"
Les causes sont multiples pour Elisabeth Moreno. "13% des entreprises 'oublient' d'augmenter les femmes après leurs congés de maternité", comme le demande la loi votée en 2006. La secrétaire d'État espère "un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes" grâce au congé de paternité. "C'est un changement de mentalité qui prend du temps mais qui est nécessaire et indispensable", souligne-t-elle.
La place des femmes dans la société se mesure aussi en politique. Elisabeth Moreno rappelle que le gouvernement actuel est celui "qui compte le plus de femmes en son sein". Elles sont plus nombreuses que les hommes. À l'Assemblée nationale aussi, "elle n'a jamais été aussi féminisée", se félicite-t-elle. "Il y a énormément de choses qui ont été faites pour donner à la femme la place qu'elle mérite dans notre société", note la secrétaire d'État.
"Je veux que nous utilisions Miss France pour montrer que les femmes sont intelligentes"
Si elle s'est attaquée aux stéréotypes que renvoyait le concours de Miss France, c'est surtout dénoncer le fait "que l'on dise à une femme qu'elle n'a pas le droit de faire de l'ironie", comme il serait énoncé dans les règles du concours. D'autres règles choquent la secrétaire d'État, dont le fait de ne pas pouvoir être veuve ou d'avoir posé sein nu, contre le cancer du sein par exemple. "J'adore Miss France", précise-t-elle. "Je veux que nous utilisions Miss France pour montrer que les femmes sont intelligentes, qu'elles entreprennent, qu'elles soutiennent des causes", explique Elisabeth Moreno qui se dit favorable à "une ouverture des règles".
La secrétaire d'État a rencontré Louise, la miss France 2021. "Elle est magnifique, pas que pour sa plastique, mais parce qu'elle porte des causes extraordinaires, des valeurs extrêmement humanistes", décrit-t-elle. Elisabeth Moreno a souhaité lui parler des transsexuels, qui seraient en proie au suicide, "sept fois plus que le reste de la société". "Cette souffrance que portent ces personnes, nous devons l'entendre, l'accompagner", indique-t-elle, mettant en avant son dispositif contre l'homophobie.
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