Déposer au moins 10 euros dans un petit casier au fond d'un troquet tous les mois et récupérer l'argent en novembre, avant l'achat des cadeaux de Noël: les clubs d'épargne, importés d'Allemagne, font de la résistance en Alsace-Moselle, malgré la fermeture de nombreux bars dans les campagnes.
Dans les clubs d'épargne, fin d'année rime avec remboursement des économies: fin novembre-début décembre, alors que Noël et les repas festifs approchent, les adhérents peuvent récupérer le montant de leur épargne de l'année en chèque.
En fin de matinée, un samedi de décembre, le club "L'Ecossais" s'est réuni au Café du chemin de fer d'Algrange (Moselle), où plus de 130 petits casiers sont installés depuis plus de 50 ans.
Ils permettent à chaque adhérent d'y laisser de plus ou moins grosses sommes toutes les deux semaines.
Il faut verser au minimum cinq euros tous les 15 jours, sinon des pénalités, à hauteur de trois euros, sont imputées.
L'objectif, à quelques jours des fêtes de fin d'année: distribuer les enveloppes, déjà prêtes, numérotées comme les casiers, et contenant en chèque l'épargne d'une année pour chaque adhérent.
"Vérifie bien que ce soit la bonne somme", dit un épargnant à un autre, dans une ambiance bon enfant.
- Champagne -
Une fois l'enveloppe récupérée, les épargnants se tournent vers le bar où ils commandent un café, une bière ou même... une bouteille de champagne, pour fêter ça.
Les sommes récoltées varient du montant minimum de 120 euros à plusieurs milliers d'euros.
Un homme est venu récupérer trois enveloppes d'un coup: la sienne, mais aussi celles correspondant aux casiers de son épouse et de sa fille.
Les clubs d'épargne sont autorisés en Alsace (Haut-Rhin et Bas-Rhin) et en Moselle, du fait du droit local, qui autorise les associations des trois départements à poursuivre un but lucratif, contrairement aux associations "loi de 1901" du droit français.
Le nombre de clubs d'épargne diminue toutefois chaque année, avec la fermeture des troquets, qui ont souvent du mal à trouver des repreneurs.
A Henriville, non loin de la frontière allemande, le restaurant a fermé en 2019 et le bar en 2021. C'est là qu'étaient placés les casiers.
Lucienne Posselt (née Fayel, le nom du bar), sa dernière gérante, a grandi avec le club d'épargne. Mais elle est partie à la retraite sans mettre en vente cet établissement familial.
- "Vignette auto" -
Quand il a été créé, en 1972, "j'avais 12 ans", sourit-elle. Au moins six personnes se réunissaient, deux fois par mois, pour réaliser les levées... Mais de nombreux autres adhérents en profitaient aussi pour discuter et boire un verre.
La moyenne d'âge du club est "de 60 à 80 ans", estime son président, Rémi Touba, 74 ans.
Le club a pourtant su s'adapter au fil du temps: depuis 2012, il ne rend les économies d'une année que par chèque, pour éviter "tout problème". D'autant que le montant final est important, chaque adhérent épargnant en moyenne 630 euros annuellement. "Dans le temps, les économies servaient à acheter la vignette auto", se remémore Mme Posselt.
Maintenant, les adhérents peuvent payer leur repas de fêtes et les cadeaux de Noël, suggère M. Touba. Certains choisissent d'épargner les sommes qu'ils reçoivent au cours de l'année, pour leur anniversaire par exemple, afin de "ne pas les dépenser dans n'importe quoi".
Les intérêts servent eux à financer une sortie ou le banquet annuel du club.
Par Marine LEDOUX / Algrange (France) (AFP) / © 2024 AFP