Les traits marqués, Patricia est soulagée de retrouver l'air libre, mais elle n'arrive pas à sortir de sa tête les images de ces deux jours de garde à vue. "J'ai dormi pendant deux nuits d'affilée à même le béton, sans couverture. Pas de douche, même pas de kit de toilette rapide, même pas une lingette, pas de dentifrice. On nous traite vraiment comme le pire des criminels."
"Sale pute !"
Samedi, en début d'après-midi, habillée en noir avec un masque de ski autour du cou, elle est arrêtée avec son conjoint dans le 9e arrondissement de Paris, contrôlée "avec 0,4 grammes d'alcool par litres de sang" : "J'ai été accusée de dissimulation de visage, et de regroupement en vue de commettre des violences ou des dégradations, alors qu'on n'avait absolument rien fait."
Après une interpellation qu'elle décrit comme musclée elle dénonce les propos dégradants tenus par certains policiers : "Sale pute. Mon mari, on lui a dit que sa femme était mignonne et que, s'ils le voulaient, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient de moi. En tant que femme, c'est vachement dur."
"Mon regard sur la police a changé"
Patricia est placée sous contrôle judiciaire, interdite de se rendre à Paris jusqu'à son procès prévu en octobre : "Pour une manifestation, parce qu'on n'est pas d'accord avec le gouvernement, on subit tout ça, toutes ces violences psychologiques, physiques, morales. Aujourd'hui, mon regard sur la police a vraiment changé". Mais malgré tout, cela ne change rien à ses motivations : la jeune femme n'exclut pas de participer aux prochaines manifestations, en dehors de la capitale.
"Le gouvernement veut-il vraiment faire le ménage?"
Sud Radio a fait écouter ce témoignage à Alexandre Langlois, le secrétaire général du syndicat Vigi police, qui soutient le mouvement des Gilets jaunes. Insalubrité dans les commissariats, manques de moyens, manques d'effectifs pendant les longs week-ends comme celui qui vient de se terminer. Pour lui, les faits racontés par Patricia sont vraisemblables : "Cela fait mal d'entendre tout ça. Ce n'est pas pour ça que les policiers se sont engagés. C'est pas les collègues avec lesquels on veut travailler. C'est pas l'image qu'on veut renvoyer à la population. Là, on a l'impression d'être dans un régime autoritaire où les policiers sont au-dessus des lois et peuvent faire ce qu'ils veulent... Comme si ce n'était pas des policiers, mais une milice qui se croirait tout permis."
Alexandre Langlois, qui a conscience du préjudice que de tels agissements peuvent causer à la police : "On a conscience qu'il y a du ménage à faire chez nous, mais encore faut-il que le gouvernement veuille bien faire le ménage : certains n'ont rien à faire dans la police, mais sont recrutés parce qu'il n'y a plus d'écrémage. Donc c'est possible qu'elle l'ait vécu avec un sentiment d'injustice. C'est très difficile, parce que ça fabrique des gens qui n'aiment pas la police, qui vont compliquer notre travail, et c'est contre-productif pour tout le monde."