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Enquête sur l'attentat de Karachi: la Cour de cassation confirme la prescription du volet sécuritaire

La Cour de cassation a confirmé mardi la prescription du volet sécuritaire dans l'enquête sur l'attentat de Karachi au Pakistan en 2002, non élucidé à ce jour, mettant fin à l'espoir de parties civiles d'obtenir un procès sur les éventuelles négligences d'ex-responsables des chantiers navals.

Sameer Al-DOUMY - AFP/Archives

La Cour de cassation a confirmé mardi la prescription du volet sécuritaire dans l'enquête sur l'attentat de Karachi au Pakistan en 2002, non élucidé à ce jour, mettant fin à l'espoir de parties civiles d'obtenir un procès sur les éventuelles négligences d'ex-responsables des chantiers navals.

Le 8 mai 2002, l'explosion d'un bus transportant des salariés de la Direction des constructions navales internationales (DCNI) - devenue aujourd'hui Naval Group - à Karachi avait fait 15 morts, dont 11 Français, et de nombreux blessés.

En France, la justice enquêtait sur deux volets: un premier concernant les commanditaires de l'attentat et un deuxième sur d'éventuels manquements dans la sécurisation des employés sur place.

Dans ce second volet, vingt ans après, des juges d'instruction parisiens avaient considéré qu'il existait des indices graves et/ou concordants pour dire que deux ex-cadres Gérard C., chef de site, et Alain Y., chef de projet sur les contrats des sous-marins Agosta 90B, avaient sous-estimé les risques qu'encouraient les salariés de l'entreprise.

Ils auraient "sous-évalué" les risques d'attaques envers les salariés présents sur le site, alors que le contexte sécuritaire dans la région était particulièrement "dégradé" depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec la multiplication d'attaques ciblant les étrangers ou les intérêts étrangers.

Les magistrats instructeurs les avaient dès lors mis en examen pour homicides et blessures involontaires en 2022.

Mais, en mai 2023, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a annulé leur mise en examen, estimant l'action publique prescrite, faute de lien de connexité entre les manquements relatifs à la sécurité des salariés et la commission de l'attentat.

Dans son arrêté rendu mardi consulté par l'AFP, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des parties civiles et confirmé l'analyse des magistrats d'appel.

- "Epilogue" -

Le préfet de la Manche dévoile, le 8 mai 2003 à l'entrée de l'arsenal de Cherbourg, une plaque à la mémoire des onze techniciens de la DCN victimes de l'attentat de Karachi, un an plus tôt

Le préfet de la Manche dévoile, le 8 mai 2003 à l'entrée de l'arsenal de Cherbourg, une plaque à la mémoire des onze techniciens de la DCN victimes de l'attentat de Karachi, un an plus tôt

BERTRAND LEBAS - AFP/Archives

"C’est un épilogue heureux pour Alain Y., qui a toujours clamé son innocence. On ne peut que se féliciter de cette décision qui dit bien le droit", ont commenté auprès de l'AFP ses avocats, Mes Loïc Henriot, Patrice Spinosi et Magalie Jullien.

Pour Me Vincent Courcelle-Labrousse, "cette décision signe la fin d’une procédure longue et injuste" contre son client Gérard C., à qui la justice reprochait "de n’avoir pas anticipé la commission d’un attentat suicide, dont les auteurs et commanditaires n’ont pas été identifiés, et alors que la protection du personnel sur place incombait à l’armée pakistanaise".

"Nous n’avions aucun doute sur le sort qu’aurait donné un tribunal à une telle aberration judiciaire", a-t-il ajouté.

Lors de l'audience en septembre à la Cour de cassation, l'avocat général avait conclu au rejet du pourvoi, mais souligné que le "débat juridique complexe ne peut faire oublier le traumatisme des victimes et leurs proches".

"Nous sommes profondément choqués par cette décision qui interdit aux victimes d’accéder à la vérité judiciaire. Décidément, rien ne leur aura été épargné. En droit, le raisonnement de la Cour de cassation est incompréhensible et aura de lourdes conséquences pour beaucoup de victimes", a réagi auprès de l'AFP Marie Dosé, avocate de parties civiles.

Après deux décennies, cet attentat n'a pas été élucidé et deux thèses s'affrontent: l'instruction a d'abord privilégié la piste d'Al-Qaïda, qui ne l'a pas revendiqué mais l'a approuvé, puis exploré celle (non confirmée à ce jour) de représailles pakistanaises à la décision de Jacques Chirac d'arrêter le versement de commissions dans le cadre de contrats d'armement qui auraient servi à financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.

Les investigations sur les commanditaires se poursuivent mais se heurtent régulièrement à des refus des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, entre autres, de déclassifier des documents protégés par le secret défense. Plusieurs déclassifications partielles sont toutefois intervenues.

Les magistrats instructeurs sont aussi confrontés à l'impossibilité depuis plusieurs années de se rendre au Pakistan en raison du contexte géopolitique et diplomatique.

Cette affaire a aussi donné lieu à une troisième instruction, baptisée le volet financier, visant les soupçons de financement occulte de la campagne d'Edouard Balladur en 1995.

En première instance en 2020, six personnes ont été condamnées à Paris à des peines allant de deux ans à cinq ans de prison ferme. La décision en appel est attendue le 21 janvier 2025.

Jugés devant la Cour de justice de la République, l'ex-Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé en mars 2021 tandis que son ancien ministre de la Défense, François Léotard, a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

Par Julia PAVESI / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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