En dehors de très rares périodes de notre histoire comme la fête de la fédération en 1790 à l'après-guerre de 1918, "c'est la défiance qui est la tendance dominante entre le peuple et les élites", observe Éric Anceau qui revient sur une analyse historique et contemporaine des rapports entre les gouvernés et les gouvernants.
"Le peuple ne peut pas non plus se passer d'élites"
Une crise de défiance qui résulte généralement d'une crise économique et sociale, ou lorsque des élites défaillent au moment d'une guerre, comme en 1870 et 1940, ou lorsqu'il y a un sentiment que les élites "dans leur entre-soi se livrent à des conflits d'intérêts", rapporte l'historien. "Parfois, c'est l'ensemble de ces phénomènes cumulés qui jouent, la cocotte minute explose et le peuple va se chercher une élite de substitution", explique-t-il. Mais pour autant, bien que la défiance est une tendance dominante dans l'histoire, "le peuple ne peut pas non plus se passer d'élites, on recherche une élite de substitution".
Dans cette défiance, définir les élites est parfois de plus en plus compliqué. "C'est deux choses", indique Éric Anceau qui, dans son livre, est remonté jusqu'à Chrétien de Troyes au XIIe siècle. "Ce sont la fine fleur de la société, ceux qui nous gouvernent et ceux qui les entourent", rapporte-t-il. Au Moyen-Age par exemple, ce sont les légistes qui vont entourer le roi Philippe Le Bel. "C'est également dans chaque groupe social, les meilleurs", ajoute l'historien en évoquant l'élite de l'artisanat, des intellectuels, des militaires. "Ce sont ces deux constituantes qui forment les élites", conclut le maître de conférence.
"Un risque de conflits d'intérêts"
Mais ce qui apparaît comme plus grave, "c'est lorsque l'on passe du pluriel au singulier, lorsque l'on n'a plus qu'une seule élite", repère Éric Anceau qui voit l'émergence aujourd'hui d'une "super-élite". Conséquence de la création de l'École nationale d'administration (ENA) par le général de Gaulle en 1946, avec l'idée "de s'appuyer sur une autre fonction publique, une technocratie qui allait permettre au pouvoir politique d'être bien conseillé", se souvient l'historien.
Depuis les années 1970, le maître de conférence regrette que "tout ce soit dégradé". "Les énarques ont investi les hautes sphères du pouvoir politique et les hauts lieux du pouvoir économique", remarque Éric Anceau qui y voit "le risque de conflits d'intérêts et l'image que s'en fait le peuple". "L'idée qu'ils sont tous pourris parce qu'ils trempent dans les affaires du CAC 40, voire beaucoup plus sombres", regrette-t-il.
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