Pour tenter de forger un "esprit d'équipe" qui manque à sa coalition sur le budget, Michel Barnier a invité lundi ses ministres lors d'un séminaire gouvernemental à faire émerger des propositions pour le moyen et long terme.
"Nous allons faire des progrès pour décider mieux ensemble et s'écouter avant de prendre des décisions, malgré les circonstances d'extrême urgence", a assuré le Premier ministre, selon les services de la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.
"Travailler" était le mot d'ordre des membres du gouvernement en arrivant à Matignon peu avant 09H00. La réunion a été suivie d'un déjeuner destiné à renforcer la "cohésion" gouvernementale, qui s'est terminé vers 14H00.
Accaparé depuis sa nomination il y a deux mois par l'urgence de la préparation d'un budget très contraint pour 2025, qui éprouve durement sa coalition, Michel Barnier voulait montrer que ses ministres pouvaient s'accorder sur des propositions et qu'il était aussi là pour longtemps.
"Nous ne sommes pas là seulement pour gérer le déficit. Nous sommes là pour améliorer le fonctionnement du pays et pour créer du progrès", a-t-il dit à ses ministres, désireux de "relever la ligne d’horizon" avec "une vision de cinq ans" et un "plan (d'action) à trois ans", en référence à 2029, date fixée pour le retour de la France dans les clous budgétaires européens et à 2027, prochaine élection présidentielle.
- "Différentiel" travail/solidarité -
Et ce, sans se soucier de l'épée de Damoclès du vote d'une motion de censure en décembre quand il engagera vraisemblablement la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter définitivement les périlleux projets de loi de finances.
Après un premier séminaire en septembre pour préparer sa déclaration de politique générale, Michel Barnier veut par cette deuxième "rencontre collective", qui sera suivie d'une troisième en décembre, aboutir à "des propositions concrètes" qui seront présentées dans un plan d'action, selon son entourage.
Au menu lundi de la quarantaine de ministres, cinq thématiques: État/collectivités, travail/prestations sociales ("encourager le travail"), immigration/intégration ("encadrer l'immigration pour mieux intégrer"), Outre-mer et simplification.
Il y a eu, en outre, un "échange nourri" sur la "prévention des risques" environnementaux qui sera, selon le Premier ministre, un "objectif central", alors que les inondations mortelles en Espagne ont suscité désarroi et colère de la population.
Sur les relations entre l'Etat et les collectivités, les ministres ont débattu simplification et déconcentration, en insistant sur le rôle des maires/préfets/sous-préfets. Le chef du gouvernement a insisté sur "le besoin de se parler" sur ces sujets.
En matière de travail, le gouvernement s'est penché sur la mise en oeuvre de "l'allocation de solidarité unique" à partir des expérimentations en cours sur la solidarité à la source, afin d'aboutir à "un vrai différentiel" entre le travail et la solidarité.
Pour "financer notre modèle social et si on veut le conserver, il faudra travailler davantage", a affirmé lundi le ministre de l'Economie, Antoine Armand.
- "Rang d'oignons" -
En matière d'immigration, autre sujet clivant, le premier semestre 2025 sera consacré à "transposer" en France le pacte européen sur l'asile et la migration, selon le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau.
Sur l'Outre-mer, dossier que M. Barnier a repris en main, le ministre François-Noël Buffet a proposé que chaque territoire "fasse l'objet avec les acteurs locaux d'un diagnostic pour dégager une stratégie de développement" à terme.
Le manque d'unité de la fragile coalition gouvernement se voit quasi quotidiennement à l'Assemblée nationale sur les textes budgétaires peu défendus ou même contestés par une partie de la majorité.
Le gouvernement a été ainsi défait à de nombreuses reprises sur les questions fiscales.
"Il y a un besoin que, dans le pack qui s'est constitué autour de Michel Barnier, on essaie de définir ce sur quoi on est d'accord pour que ça suscite une forme de mobilisation", a reconnu dimanche sur France Inter le chef de file des députés Modem, Marc Fesneau. Mais ce n'est "pas parce qu'on n'est pas complètement alignés en rang d'oignons qu'on est un opposant".
Les députés reprendront lundi l'examen de la partie recettes du budget de la Sécurité sociale avec à la clé un probable rejet, si les débats vont assez vite pour aller jusqu'au vote.
Le rejet valant pour l'ensemble du texte, le volet dépenses ne serait alors pas examiné, ce qui épargnerait au gouvernement une discussion perdue d'avance sur le report au 1er juillet de l'indexation des retraites, honni de toutes parts.
Les discussions sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) s’achèveront quoiqu’il arrive mardi à minuit, en raison des délais constitutionnels.
Les députés s'attelleront ensuite de nouveau aux discussions sur la partie recettes du projet de budget de l'État 2025 alors qu'il reste quelque 1.500 amendements à débattre.
Par Fabrice RANDOUX et Anne RENAUT / Paris (AFP) / © 2024 AFP