La grève des urgentistes s’étend dans toute la France. Fondamentalement, d’où vient le malaise ? Les urgences ne devraient-elles pas être réservées aux cas graves ? "Deux chiffres permettent de comprendre la situation, décrypte Véronique Jacquier. On recense 22 millions de personnes aux urgences en 2018, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Sur ce nombre de passages, plus d’un quart, entre 28 et 40%, ne sont pas justifiés, selon les chiffres du ministère de la santé." Ces patients pourraient être pris en charge par un médecin généraliste sans examens complémentaires. "Un quart de bobologie donc, constate Véronique Jacquier. Evidemment les urgences doivent être réservées aux cas les plus graves. Mais ce n’est plus possible !"
Au carrefour de deux crises
En effet, il n’existe plus de médecins généralistes en ville, disponibles le soir, le week-end et se déplaçant à domicile. "Cela leur prend trop de temps et ça ne rapporte rien, constate Véronique Jacquier. Nous payons le manque de médecins en France. 10.000 généralistes aux abonnés absents, et le désengagement de la médecine libérale de ville. Souvenez-vous il y a plus d’une vingtaine d’années, il existait des médecins de garde le week-end. À l’époque, un ministre de la Santé a supprimé les gardes car les généralistes se plaignaient déjà de trop travailler et d’être débordés." Pourtant, il existe bien des pharmacies de garde. Pourquoi n’y a-t-il plus de médecin de garde ? "Les urgences sont au carrefour de deux crises. Celle de la médecine de ville qui n’est plus assez proche des gens et celle de l’hôpital qui est, depuis dix ans, géré comme une entreprise."
"35 à 45% des patents admis aux urgences pourraient être soignés dans de bonnes conditions en médecine de ville, par les médecins traitants, estime Christian Espagno, médecin, neurochirurgien et ancien directeur de la clinique des Cèdres, à Toulouse. Peut-on rétablir un système de garde ? Je ne pense pas que la réponse soit aussi simple. Encore faudrait-il faciliter l’accès à la médecine de ville à ces malades. Qu’on arrête également de donner des signaux négatifs : lors de la dernière épidémie de grippe, la ministre est allée visiter les services d’urgence."
L'exemple de Grenoble
Quelles solutions pour désengorger les urgences ? Cela passe par remettre le généraliste au cœur d’une médecine de proximité, ou créer des maisons de garde ou des maisons de santé. À Grenoble, un cabinet est ouvert sept jours sur sept de 8 h à minuit, avec 40 médecins en rotation. En collaboration avec des radiologues et des laboratoires installés à côté, les médecins sont soit salariés, soit en libéral, et effectuent des heures pour ce centre. Avec 50.000 patients reçus par an, ce cabinet a finalement la taille d’un service d’urgence et permet d’être soigner sans se rendre aux urgences.
L’idée du gouvernement est de généraliser ce modèle dans les territoires. Mais cela ne va pas se faire en un jour… En attendant, une ambiguité persiste au sein des urgences à l’hôpital : quel que soit l’acte, bobologie ou pathologie grave, le forfait est le même. "Conséquence : les urgences permettent aux hôpitaux de dynamiser leurs recettes en soignant un maximum de gens, constate Véronique Jacquier. Les directeurs d’hôpitaux n’ont pas envie de changer le système. On ne sort de l’ambigüité qu’à ses dépens…"
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