Plusieurs centaines de salariés de Michelin ont manifesté vendredi contre les fermetures annoncées des sites de Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire), où le ministre de l'Industrie a été pris à partie verbalement par des employés en détresse, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Venu à Cholet notamment "pour être au contact et en soutien des salariés qui vivent un drame humain", le ministre délégué à l'Industrie, Marc Ferracci, est resté "trois minutes" devant l'usine quittant les lieux peu avant 13h00 après un échange tendu, ont indiqué des syndicalistes.
"Je regrette profondément" la décision de fermer les sites de Cholet et de Vannes "comme je regrette la manière dont elle a été annoncée aux salariés", avait un peu plus tôt dit le ministre en sortant d'un comité de pilotage à la sous-préfecture avec des représentants syndicaux et des élus locaux.
Plus de 1.250 emplois au total sont menacés d'ici 2026.
"Je suis content que les politiques voient enfin le vrai visage de Michelin, ils sont tombés de leurs chaises lorsqu'ils ont appris la brutalité" de cette annonce, a déclaré à une correspondante de l'AFP Romain Denecheau, élu CFDT de l'usine de Cholet qui participait à cette réunion.
Après le départ du ministre, plusieurs centaines de salariés ont défilé dans la zone industrielle de Cholet en scandant "50 ans pour nous user, 5 minutes pour nous virer" ou "il est beau le Bibendum, toujours le fric avant les hommes".
Dès le début de la matinée, des pneus avaient été enflammés devant le site Michelin, avec des banderoles ou inscriptions sur les murs évoquant les "vies brisées" et les "années à trimer pour se faire jeter".
"Merci pour ce super Noël!", ont ironisé les quelque 900 "enfants de Michelin" à Cholet, recevant de nombreux signes d'encouragement des passants.
- "Plus rien à faire de la France" -
Le député macroniste de Cholet Denis Masséglia, lui-même insulté vendredi par certains salariés en colère, a dit comprendre ces "personnes qui ont exprimé leurs souffrances" en s'en prenant au ministre de l'Industrie.
"Des engagements ont été demandés à Michelin par le gouvernement", a souligné Marc Ferracci, insistant sur "une indemnisation qui soit digne, avec des montants substantiels" et des reclassements en priorité dans le bassin d'emplois de Cholet.
"Non, M. Ferracci, nous ne sommes pas ici pour nous battre pour un chèque, nous sommes ici pour nous battre pour l'emploi", a lancé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, venue dans la matinée à la rencontre des salariés sur le site de Vannes où quelque 300 emplois sont également sur la sellette.
A Vannes, les salariés ont manifesté dès 06h30 pour demander le maintien des emplois en France, avant de planter des croix blanches symbolisant la mort programmée de leur usine.
200 salariés étaient aussi rassemblés à Clermont-Ferrand, où se situe le siège social, en solidarité avec Vannes et Cholet.
La CGT a appelé à la grève illimitée sur les sites clermontois et prévoit une manifestation mercredi, jour du Comité social et économique central, où doit être présenté aux syndicats le plan de fermeture des deux usines.
"Nos fleurons comme Michelin n'en ont plus rien à faire de la France, puisque Michelin, sur 130.000 emplois, n'en a plus que 15.000 en France", a déploré Mme Binet, critiquant "la politique industrielle d'Emmanuel Macron (qui) s'aligne sur les intérêts de ces multinationales".
"On se prend un nouveau mur" à cause de politiques publiques qui n'ont pas su agir pour que les industriels fassent le choix des salariés plutôt que "le choix du profit", a renchéri la députée écologiste Clémentine Autain (ex-LFI).
A l'Assemblée nationale, les députés écologistes et insoumis ont demandé la mise en place d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics par Michelin, afin notamment de "comprendre pourquoi il est possible de combiner licenciements massifs, bénéfices d'aides publiques et versements records aux actionnaires sur une même période".
Marc Ferracci a indiqué que le gouvernement allait publier "dans les prochaines semaines un plan d'urgence pour la filière automobile à l'échelle française et européenne", pour "agir de manière structurelle". Le plan comprendra des mesures de soutien à la demande et à l'investissement, et "des mesures de protection commerciale qui touchent l'ensemble de la filière."
Par Florence PAGNEUX avec Jean-François MONIER à Vannes / Cholet (France) (AFP) / © 2024 AFP